J'y travaille

Alpha-lecture : une critique à voix haute

« Regarde sa montre ». Mais c’est qu’on est déjà en septembre ! Même si je n’ai pas été aussi présente sur ce blog que je l’avais prévu ces derniers mois, j’ai été loin d’être inactive.

Lors de mes derniers articles, je venais de terminer une phase de réécriture de mon second roman, Rêveuse. Pendant ces derniers mois, il a été entre les mains de mes alpha-lecteurs, et aujourd’hui, j’ai un plan de corrections… Laissez-moi vous raconter mon expérience d’alpha-lecture !

L’alpha-lecture, quézako ?

Une définition

Si vous connaissez la bêta-lecture, eh bien… L’alpha-lecture, c’est exactement la même chose, mais avec moins de gens et plus tôt dans le processus de réécriture (Et si vous ne connaissez pas, vous n’avez qu’à lire cet excellent article… Il est de moi, oui oui). Un peu comme dans les jeux vidéos où « l’alpha » est une période de test plus limitée que la « bêta », qui intervient beaucoup plus tôt et avec un nombre beaucoup plus réduit de joueurs.

Pour moi, c’est une première confrontation à des avis extérieurs, à un moment où je considère que le roman n’est pas prêt pour un vrai « public », même limité à une dizaine de personnes.

On conseille parfois d’utiliser des « partenaires de critique » pour ce genre de relecture, c’est-à-dire d’autres auteur/trices avec qui on échange ses romans, mais cela peut simplement être des personnes en qui on a confiance et qui sont au courant que le manuscrit n’est pas dans son meilleur état…

L’objectif est d’obtenir un premier diagnostic, histoire de se débarrasser des problèmes les plus évidents.

Mon alpha-lecture

Dans mon cas, j’ai deux alpha-lecteurs qui me sont très proches et que j’emmerde constamment avec mes romans, même quand ils ne sont pas en train de les relire (je les remercie ardemment). En pratique, l’un a simplement lu Rêveuse (il avait d’ailleurs lu une version encore plus pourrie avant, la version « pleine de trous ») après quoi il a subi une interrogation sans pitié.

Le second a lu mon roman, à voix haute, scène par scène pendant que je prenais des notes… Oui, j’ai bien dit à voix haute !

Hauts et bas de l’alpha-lecture

La relecture à voix haute

La relecture à voix haute a ses avantages et ses inconvénients.

Premier inconvénient : c’est long. Très long. A raison d’une scène par soir, presque tous les soirs, il nous aura fallu presque 4 mois complets pour tout relire. Et ça demande forcément plus d’efforts d’organisation puisqu’il fallait qu’on soit tous les deux là en même temps, disponibles, en forme et motivés…

Par contre, c’est une façon incroyablement efficace de recueillir des retours. La lecture à voix haute en soi est un excellent moyen de détecter les problèmes de rythme, de répétition, de vocabulaire, etc, puisqu’ils vous sautent à l’oreille. Pas moyen de les louper ! (Attention, ça peut faire mal !)

Mais en plus de ça, vous obtenez la réaction du lecteur en direct, ligne par ligne, mot par mot… Et bien sûr, vous pouvez poser des questions aussi sec pour comprendre ce qui ne fonctionne pas. A part être dans le cerveau de son relecteur, je ne vois pas plus direct !

Le moral

J’en ai déjà parlé dans d’autres articles, comme celui où j’expliquais comment j’analysais mes retours de bêta-lecture sur mon roman précédent :

Recevoir des critiques, c’est dur.

Même si elles ne sont pas si graves, même si elles sont données avec la douceur d’une caresse, et avec un câlin pour faire passer la pilule.

J’ai plutôt bien vécu cette relecture de façon générale, mais ça n’a pas empêché que le démarrage a été difficile (en grande partie parce que le début de mon roman présentait pas mal de faiblesses). Je trouvais tout nul, et, grande battante que je suis, j’avais envie de tout laisser tomber et de ne plus jamais réécrire une ligne de ma vie. Je crois qu’il y a vraiment un soir où j’ai dit à mon compagnon « allez, on arrête ça sert à rien ». Bon, il n’a pas été d’accord.

Par la suite, ça allait mieux, mais parfois quand il avait des remarques, ma réaction était assez viscéralement « mais qu’est-ce que tu veux que j’y fasse ??? ».

Gérer (émotionnellement) ses retours de relecture

Donc voilà, pour celles et ceux qui n’ont jamais fait relire leurs textes, je vous le confirme, ce n’est pas facile. Et j’ai quelques conseils, pour vous, mais aussi pour moi. Parfois, il faut écrire pour ne pas oublier.

  • « Je ne suis pas mon texte »

Peut-être que mon roman ne tient pas la route, peut-être que mes phrases sont bourrées de répétitions, mes scènes clichées, mes personnages plats. Mais ce n’est pas parce que ce que j’ai écrit est mauvais que moi aussi…

En dehors du côté mantra, il faut écrire pour s’améliorer. Ca veut forcément dire que ce qu’on écrit aujourd’hui est moins bon que ce qu’on écrira demain. Et puis je suis nulle en sport, ça ne veut rien dire sur ma valeur propre non ?

  • Accepter ce qu’on ressent

Tout le monde ne réagit pas de la même manière aux critiques. Moi j’ai tendance à me sentir coupable et défaitiste. D’autres personnes vont être en colère et crier que leur lecteurice n’a rien compris. Dans tous les cas, c’est une réaction de défense. Nos textes sont une partie de nous (pas nous, mais une expression de nous), c’est presque une réaction immunitaire.

Je crois qu’il faut prendre le temps de laisser cette réaction réflexe passer, pour passer du ressenti à la réflexion. En tout cas, pour moi, tout le secret est d’arriver à basculer de « oh mon dieu c’est nul, je suis nulle, je ferais mieux de me mettre au macramé » à « je vois quel est le problème et je dois trouver une solution ».

Problèmes et solutions

Parce que c’est assez magique pour moi : dès que j’arrive à basculer sur la partie de mon cerveau qui résout les problèmes, tout va instantanément mieux. Parce que j’aime bien résoudre des problèmes : trouver des idées créatives, c’est même une des parties que je préfère dans l’écriture, quand tu trouves la petite idée qui va résoudre trois problèmes d’un coup…

Et cette fois n’a pas fait exception. Une fois dépassé le stade « tout est affreux », mon cerveau a commencé à bouillonner. Et aujourd’hui, je suis pressée d’attaquer les corrections, d’apporter enfin toutes les améliorations que j’ai conçues !

Noter les problèmes

Pour revenir à des explications plus concrètes sur cette alpha-lecture, pendant la relecture à voix haute, j’ai pris des notes à 3 niveaux différents:

  • Dans Scrivener, j’ai ajouté une tonne de commentaires, en particulier pour tout ce qui concerne la forme : les répétitions, les phrases pas claires, trop longues trop lourdes. J’ai aussi corrigé ce que je pouvais en direct dans le document
  • Pour chaque scène, j’ai rajouté des notes plus générales sur les problèmes identifiés
  • Et enfin, j’avais une dernière liste pour ce qui n’était pas lié à une scène en particulier, des problèmes plus généraux

Bon en pratique, c’était un peu plus bordélique que ça, mais c’était à peu près ça l’idée

Une tonne de brainstorming

Une fois la relecture terminée, j’ai pris les problèmes les plus importants et j’ai cogité. De préférence, sous la douche, le regard dans le vague, à ne plus savoir si je me suis savonnée ou pas…

Concrètement, mon roman a trois problèmes « structurels » :

  • Le début manque de rythme et d’accroche (trop de descriptions, entre autres)
  • L’enquête qui sert de fil conducteur est trop linéaire
  • Il manque un dernier retournement de situation avant la fin

En plus de ça, une de mes héroïnes manque un peu de profondeur, de même que son peuple (et les autres peuples et pays voisins).

Mais avec ces problèmes à l’esprit, j’ai réussi à avoir pas mal d’idée, le plus difficile étant de rajouter un retournement que je n’avais pas prévu, sans réécrire tout mon roman pour la Xiéme fois, bien sûr.

Un plan d’action

Et maintenant, j’ai un plan d’action, un super plan dans un tableau sur Milanote, avec la liste des scènes et les modifications que je dois leur apporte, avec un code couleur et tout et tout.

Le code couleur, c’est parce que ça fait joli, par contre, la liste de scènes avec leurs modifications, j’ai déjà fait ça à ma réécriture précédente, et ça m’avait bien aidée.

En dehors de ça, une fois que j’aurais fait ces modifications « majeures », il faudra aussi que je tienne compte de toutes mes autres notes.

Et que je fasse un passage complet de retravail stylistique, parce que cette version n’est vraiment pas au niveau. On ne peut pas dire que le travail soit terminé…

Conclusion : enthousiasme et autocongratulation

Pendant la relecture, c’était difficile de ne pas tout voir comme une catastrophe, mais avec le recul, je suis plutôt contente.

Déjà, j’ai plein d’idées, et ça fait longtemps que je n’avais pas été aussi pressée d’écrire. Juste pour ça, je serais heureuse. Après tout, j’écris pour me faire plaisir, parce qu’être créative me fait du bien, me rends heureuse, et c’est ce que je ressens maintenant. Si mon roman n’est pas bon, eh bien tant pis.

Ensuite, je parlais de modifications « majeures » mais finalement, j’ai deux ou trois scènes qui vont demander une réécriture importante, mais le reste ne sera que du travail de broderie, pas du marteau-piqueur : rajouter un détail par-ci par là, une réplique ou une pensée. Par rapport à ma réécriture précédente, où j’avais dû écrire un gros paquet de nouvelles scènes, et en réorganiser une tonne d’autres (et même introduire un nouveau point de vue), ça parait facile…

Et enfin, ce qui me rassure aussi, c’est qu’à ma réécriture précédente, j’avais travaillé sur plusieurs choses : notamment l’introduction de mon univers, et les arcs de mes personnages, arcs intérieurs et arcs entre les personnages. J’avais aussi retravaillé certaines scènes qui avaient des défauts qui me sautaient aux yeux (scènes beaucoup trop longues entre autres). Et tout ce que j’ai retravaillé a fonctionné.

Bien sûr il y a quelques détails qui ne sont pas clairs dans mon worldbuilding et quelques petites choses de ce genre, mais sinon tout ce que j’ai cherché à améliorer fonctionne maintenant correctement ! Et ça, c’est super. Ca veut dire que si je détecte un problème, je suis capable de le régler. Ca demande juste un tout petit petit peu de travail… Juste un peu !

La suite

Allez, on est repartis pour un tour de corrections…

Je me donne toute la fin de l’année et sûrement les premiers mois de l’année prochaine pour faire tout ça. J’espère enchainer sur une vraie phase de bêta-lecture au printemps prochain.

En ce moment, je suis inscrite sur Cocyclics, un forum d’écriture où on peut, entre autres, poster sur ses projets en cours et leur suivi, avec des deadlines, et des objectifs détaillés, des récompenses et des coups de fouet, et tout et tout. C’est du sérieux (ça s’appelle les « OLT » pour Objectifs Long Terme).

Je postais toutes les semaines ou presque pendant la période de relecture, et je vais créer un nouvel « OLT » pour cette nouvelle phase de correction. Je pense me donner une deadline pour fin février.

Peut-être que je reprendrai certains de ces posts sur mon blog pour créer une sort de « journal de révisions », une fois tous les mois ou deux ? On verra. Dites-moi si ça vous intéresserait, et si vous êtes sur Cocyclics d’ailleurs !


Cette relecture à voix haute était une expérience intéressante, mais je suis contente que ce soit terminé. Et vous, est-ce que vous avez déjà fait ce genre d’exercice ? Vous-même ou avec un autre lecteur ? Est-ce que comme moi vous avez plusieurs types de bêta-lecteurs, à différentes étapes du processus ? Dites-nous tout !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.