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The Cyborg Tinkerer : cool ne suffit pas

Je viens de terminer The Cyborg Tinkerer de Meg LaTorre, la youtubeuse derrière la chaine iWriterly, et je ne résiste pas à l’envie de vous en parler… Notamment, parce que j’ai déjà râlé pendant des plombes à ce sujet auprès de mon compagnon, le pauvre, il faut que je trouve un autre public avant qu’il ne devienne fou^^. Je vous préviens tout de suite, cet article est un peu long. Un tout petit peu^^.

The Cyborg Tinkerer, par Meg LaTorre

Préambule

Ce n’est pas la première fois que j’écris une critique détaillée (et assassine) de roman, et je me suis rendue compte que ma démarche n’avait pas été forcément claire. Je préfère donc préciser mon intention dès le départ cette fois. 

Je me considère toujours comme une autrice « débutante », même si je m’intéresse « sérieusement » à l’écriture depuis à peu près 6 ans, que j’ai écrit deux romans et révisé entièrement un des deux. Si un jour je suis publiée, je serai peut-être un peu plus sûre de moi (et encore^^), mais pour l’instant, j’apprends. Et une bonne façon d’apprendre, c’est d’étudier des exemples qui ne fonctionnent pas. 

The Cybord Tinkerer ne m’a pas plu, il m’a même franchement mise en rogne par moments. Mais je n’essaie pas de dire que Meg LaTorre est nulle, ni que le roman est mauvais (il a quand même un grand nombre de critiques très positives, de personnes qui ne cherchaient sûrement pas la même chose que moi dans ce roman), et encore moins que je suis meilleure autrice que Meg LaTorre. J’ai juste envie de réfléchir à ce qui m’a dérangé dans ce livre, et surtout essayer d’en tirer des leçons pour m’améliorer moi-même.

Le seul point qui me fait tiquer, c’est que la crédibilité de la chaine iWriterly est principalement basée sur le fait que Meg LaTorre a travaillé précédemment dans une agence littéraire, et qu’elle est donc une professionnelle de l’industrie. Mais ce roman, qui a été auto-édité, me parait avait certains défauts qui ne correspondent justement pas aux standards des maisons d’édition. D’ailleurs, en faisant des recherches pour cet article, je me rends compte qu’elle a changé l’introduction de ses vidéos depuis peu : elle se présentait auparavant en tant qu’ex-agent littéraire et dans ses vidéos les plus récentes, elle dit simplement qu’elle a travaillé pour une agence, ce qui n’est pas exactement la même chose. C’est un détail, mais un détail qui me chiffonne un peu^^.

Dernier avertissement avant de commencer : il y aura des spoilers…

L’histoire

Gwen Grimm, réparatrice de vaisseaux spatiaux dans le système Crescent Star, est atteinte d’une maladie (presque) incurable. Elle est bien déterminée à profiter de ses dernières semaines à vivre, quand un homme mystérieux lui propose un marché impossible à refuser. Pour recevoir l’opération qui lui sauvera la vie (et la transformera au passage en cyborg) elle devra accepter 13 ans de servitude en tant que « cyborg tinkerer » (réparatrice de cyborg) dans le prestigieux et illégal Cirque du Borge, un Cirque dont tous les membres sont des cyborgs…

Mais le Cirque est dans une position plus que précaire depuis que l’Empire a banni la création de nouveaux cyborgs, et lorsque l’Empereur lance une invitation pour une représentation particulière, une compétition mortelle est lancée par Céleste, la propriétaire du Cirque, pour sélectionner les dix meilleurs numéros qui seront présentés à la Cour…

Commençons par les qualités

Ce livre m’a beaucoup fait râler. En partie parce que le concept m’intéressait, ce qui n’a fait qu’augmenter ma déception. The Cyborg Tinkerer a tout de même un certain nombre de points forts :

  • L’univers

L’univers de ce roman est intéressant. Il s’agit d’un univers Steampunk, mais à l’échelle d’un système solaire. Les vaisseaux sont spatiaux, l’univers regorge de pirates et même de vaisseaux esclavagistes. D’ailleurs, Meg LaTorre utilise dans son marketing la comparaison avec le Disney « La Planète au Trésor » (une adaptation du roman de Stevenson, dans l’espace). Il y a un cirque gigantesque, des cyborgs, des dragons…

Un univers plutôt intrigant et original donc, surtout pour quelqu’un comme moi qui a un léger faible pour le Steampunk…

  • La représentation

L’héroïne est bisexuelle et je me demande si ce n’est pas le premier livre que je lis dont le personnage principal a cette orientation sexuelle. Peut-être pas, mais c’est assez rare pour être souligné. Encore plus rare, le triangle amoureux se transforme en relation polyamoureuse à la fin (oui, spoiler, j’avais prévenu^^). 

Et sauf erreur de ma part (j’ai la très mauvaise habitude de ne pas trop lire les descriptions physiques des personnages^^), plusieurs personnages principaux ne sont pas blancs.

Cela ne suffit pas à en faire un bon roman, mais ça mérite d’être souligné.

  • Marquant

D’une certaine manière, j’ai aimé détester ce bouquin, et en soit, c’est qu’il doit faire quelque chose correctement. Il m’est rarement arrivé de m’ennuyer (à part quand les états d’âmes des personnages prennent le dessus pendant trop longtemps). Si vous aimez la romance par dessus tout, sur fond d’aventure, il est possible que The Cyborg Tinkerer vous fasse passer un excellent moment. Je n’ai personnellement pas spécialement apprécié la romance, mais ce n’est pas un genre vers lequel je gravite (ça ne veut pas dire que je ne peux pas l’apprécier, j’ai adoré Last Tang Standing que j’ai lu cet été).

Je m’arrête là pour les qualités, cet article est déjà bien assez long comme ça.

Les défauts : « Cool » ne suffit pas

Passons aux choses sérieuses^^.

L’intrigue

L’intrigue n’a AUCUN SENS. Je répète, AUCUN SENS. C’est mon problème principal avec ce roman, le défaut qui m’a fait grincer des dents pendant la majorité du livre. 

J’espérais malgré tout qu’il y ait une révélation à la fin qui explique le plan des méchants et justifie tout ce qui n’avait aucune logique plus tôt, mais ce n’est qu’à moitié le cas, et la nouvelle explication n’est pas plus logique que celle de départ.

Dans tous les cas, même si la justification finale avait été satisfaisante, cela resterait un problème majeur du livre. Si au bout de deux chapitres, les lecteurices ont l’impression que l’intrigue ne tient pas debout, ils vont simplement arrêter de lire (à part les curieux comme moi^^), et ils/elles n’arriveront jamais au point où tout s’explique… Mais ici, ce n’est même pas le cas.

Quel est le problème donc ?

  • Le plan de l’Empereur

L’Empereur, on l’apprend dès le premier chapitre, a une dent contre les cyborgs. A tel point qu’il a rendu illégale leur technologie et la création de nouveaux cyborgs (passible de peine de mort !!!). Les cyborgs transformés avant la loi ont le droit d’exister (en tant que parias de la société), mais leur fréquentation doit être illégale d’une manière ou d’une autre puisque la police fait une razzia des spectateurs du Cirque cyborg dès le premier chapitre, et Gwen, l’héroïne, risque une année de prison juste par sa simple présence aux abords du cirque. J’avoue que je ne me souviens pas de ce qui est dit exactement sur la loi, mais justement, l’impression que laissent ces scènes, c’est que les cyborgs sont illégaux, et que l’Empereur en particulier leur en veut. A mort.

Mais on apprend par la suite que l’Empereur a convoqué le Cirque du Borge, composé uniquement de cyborgs, pour lui donner une représentation, parce qu’il voudrait convaincre son Conseil de changer la loi. D’après ce qu’on en sait, c’est l’Empereur lui-même qui est à l’origine des lois de prohibition contre les cyborgs. Il a littéralement interdit au commun des mortels d’assister à une représentation du Cirque du Borge sous peine de prison, et les membre de ce Cirque ne trouvent pas ça bizarre ou inquiétant d’être invité.e.s à lui donner une représentation…  Je vous évite le point Goldwin mais c’est à peu près aussi logique que si le GIGN invitait tous les dealers de France à présenter leurs meilleurs drogues, au cas où le sénat serait tenté de légaliser, et que tous les dealers se pointaient vraiment à l’invitation…

Et je vous le donne en mille, le plan de l’Empereur est de capturer au passage un ou une spécialiste des cyborgs pour fabriquer une arme capable de détruire simultanément tous les cyborgs d’un coup… Oui, ce plan en lui-même est déjà complètement débile, il aurait simplement pu condamner à mort tous les cyborgs et demander à sa police de le faire, mais bon, peut-être qu’un ou deux en aurait réchappé… Mais même sans remettre en question cette partie du plan, dont on n’est au courant de toute manière qu’à la toute fin du livre, les personnages paraissent stupides parce que cette invitation est marquée « PIEGE » au néon clignotant. Et cela rend les motivations de Rora (dont on reparlera plus tard), qui veut à tout prix se produire devant l’Empereur, encore moins logiques. 

Et il y a une solution assez simple, pour rendre cette partie de l’intrigue moins illogique. Les personnages auraient dû remettre en question la logique des évènements eux-même. Si les personnages remarquent qu’il y a un truc bizarre, alors ce n’est plus une « incohérence de l’intrigue », c’est un mystère, dont les lecteurices sont pressé.e.s de connaitre la résolution. Encore faut-il que l’explication soit cohérente ensuite. 

  • Le plan de Céleste

Le plan de l’Empereur est… intéressant on va dire, mais il a quand même un minimum de logique. Peu de chances de fonctionner, mais un peu de logique. Celui de Céleste… C’est N’IMPORTE QUOI !

Donc Céleste est la directrice du Cirque. Je ne me souviens pas de son titre, mais techniquement, c’est elle la chef (aidée par « le management du cirque », dont on ignore tout : ce sont des gens dont on ne connait ni le nom ni le nombre, ils n’ont même pas d’action spécifique, mais ils existent en tant que groupe). 

Déjà, Céleste dirige un cirque dont le public risque la prison. Un an de prison ! Et en plus de cela, ce n’est pas un petit cirque avec deux clowns et trois acrobates, non, c’est un cirque avec 300 artistes (et du personnel en dehors de ça, notamment, assez de gardes pour empêcher ces 300 artistes de s’enfuir). Je ne suis pas une spécialiste en matière de business, mais il ne faut pas être un génie pour se dire que c’est difficile de maintenir une entreprise avec 300+ employé.e.s quand tes seuls clients risquent un an de prison et doivent en plus payer leur entrée…

Mais donc, un jour, Céleste organise un bal, barricade ses artistes dans sa salle de bal, et leur annonce que le Cirque va avoir la possibilité de donner une représentation devant l’Empereur, et que seuls les dix meilleurs numéros seront choisis. Et comment seront-ils choisis ? Par une compétition en trois parties, à l’issue de laquelle les perdant.e.s se verront retirer les implants qui font d’eux des cyborgs, ce qui les laissera soit gravement handicapés soit… morts dans certains cas. Les épreuves sont MORTELLES en elles-même, et une seule des trois à le moindre rapport avec les numéros de cirque. La 1ére est une course d’obstacles, potentiellement mortelle donc, la seconde consiste à capturer un dragon, la troisième à survivre à une représentation devant des pirates sanguinaires. 

Cette compétition est censée déterminer les meilleurs numéros mais les deux premières épreuves n’ont aucun rapport avec le cirque, à part qu’elles avantagent certains types de numéros (un trapéziste par exemple a beaucoup plus de chance de gagner une course d’obstacle par rapport à une magicienne, etc). Sans compter qu’il n’y a aucune justification au fait que cette compétition soit mortelle en elle-même. Céleste peut vouloir réduire le nombre de ses employé.e.s (puisque comme vu plus haut, le Cirque a 0 raison de survivre en l’état financièrement), et elle peut être assez sans coeur pour se ficher que les ex-employés survivent à l’extraction de leurs implants (qui sont sa propriété), mais elle n’a aucune raison de concevoir une compétition qui les tue activement. Si son objectif est de présenter les meilleurs numéros à l’Empereur, logiquement elle devrait simplement… regarder les numéros déjà (il n’y a que deux très vagues descriptions des numéros, alors que c’est le sujet complet du livre) ! Dès que la compétition est présentée, Céleste devient immédiatement un antagoniste, mais même la cruauté ou la froideur ne justifient pas cette compétition. Elle pourrait forcer ses employé.e.s à s’entraîner jusqu’à l’épuisement, les forcer à travailler des numéros plus dangereux et plus impressionnants, etc, mais une course d’obstacle n’explique pas en quoi les vainqueurs auraient plus de chances d’impressionner l’Empereur. Ce qui mine encore plus les motivations de Rora, qui veut « prouver que son numéro est le meilleur », dans une compétition qui n’a rien à voir avec ses talents d’artiste.

Mais évidemment, impressionner l’Empereur n’est pas le véritable objectif de Céleste…

Le but de Céleste est en fait d’assassiner l’Empereur ! Et son plan n’a pas plus de sens dans ce contexte.

Pour sa tentative d’assassinat, elle compte sur deux choses. D’abord, la compétition lui sert à récupérer des implants qu’elle utilise pour améliorer les Gardes du Cirque (qui sont assez nombreux pour contenir les 300 artistes en cas de rébellion). Et à côté de ça, elle a modifié les puces qui contrôlent les implants de tous les cyborgs du cirque pour être capable de les contrôler. Oui, elle peut faire ça.

Et donc la compétition a encore moins de sens. Déjà, enlever des implants à des personnes qu’elle est capable de contrôler pour les ajouter à d’autres personnes qu’elle contrôle aussi n’est pas spécialement logique. D’un côté ses gardes ont plus d’implants, mais de l’autre, elle a moins de gens sous son contrôle. Mais même en admettant que cela ait un sens, le contrat de tous les cyborgs stipule que le cirque peut récupérer ses implants à n’importe quel moment et pour n’importe quel prétexte. Elle pourrait donc choisir les implants qui l’intéressent et les récupérer, sans perdre du temps, de l’énergie, et surtout sans potentiellement détruire des implants dont elle a besoin ! La compétition est tellement dangereuse que certains participants y meurent, par court-circuit de leurs implants entre autres. Et Rora, un des personnages principaux, perd l’usage de sa main artificielle dans la deuxième épreuve. Avec la compétition, non seulement elle ne choisit pas quels implants elle récupère, mais elle risque de les endommager.

Certains détails sont plus ou moins justifiés. Par exemple, Céleste compte utiliser le dragon de la deuxième épreuve dans son plan. Sauf qu’elle n’a pas eu le temps de le transformer totalement en cyborg sous son contrôle. La planète de la troisième épreuve est censée fournir un matériau dont elle a besoin pour contrôler les cyborgs, mais le Cirque pourrait simplement y faire escale.

Mais dans tous les cas, si on se place du point de vue de Céleste, qui dirige un cirque de cyborgs, qui est une brillante scientifique (évidemment l’Empereur a massacré sa famille, ses amis et ses voisins dans sa lutte contre les cyborgs, et ce n’est même pas une exagération de dire ça), et qui a comme objectif d’assassiner l’Empereur, jamais de la vie on ne parvient au plan qu’elle conçoit dans ce livre. Il y a un million de moyens d’imaginer un assassinat, surtout avec un cirque complet sous son contrôle : de l’hypnose, des poignards, des contorsionnistes cachés dans armures, des empoisonnements, des enlèvements, etc. Mais pas une compétition à mort entre les membres du cirque… Nope

Motivations et moralité des personnages

  • Gwen

Gwen est l’héroïne principale et ses motivations sont plutôt légères. Pendant une bonne portion du livre, la survie est sa principale motivation. Au départ, elle est atteinte d’une tumeur mortelle, et c’est pour cela qu’elle accepte de devenir cyborg. Pendant le restant de l’histoire, Gwen ne participe pas à la compétition puisqu’elle est plus ou moins le « médecin » de service (même si elle est techniquement mécanicienne de formation), le risque est réduit pour elle, et donc elle tente surtout de préserver les autres cyborgs. Ou plus exactement les deux cyborgs pour lesquels elle a un intérêt amoureux… Dès le départ, elle est obnubilée par l’idée d’aider Rora, qu’elle ne connait qu’à peine, simplement parce qu’elle ressent une forte attirance sexuelle pour elle. Et outre la survie, cela semble être sa principale motivation tout au long du livre.

Même si je le mets côté négatif, la moralité des personnages et en particulier celle de Gwen est intéressante. Certaines des décisions de Gwen sont assez discutables, et même si ça ne m’a pas aidé à m’attacher à son personnage, cela lui donne au moins une certaine originalité. Par exemple, dans la troisième compétition, Gwen propose de saboter les numéros de certains des opposants de ses amis. Alors oui, un ou deux sont littéralement des meurtriers, malgré tout elle les condamne au moins à la mutilation voir à la mort. Elle est obsédée par l’idée d’aider Rora, l’autre héroïne, alors qu’elle la connait à peine, elle est globalement tombée amoureuse au premier regard et ne fait que fantasmer sur elle.

Pour sauver son second intérêt amoureux, Bastian, elle prend le risque de ne pas essayer de libérer les personnes enfermées dans un vaisseau de marchands d’esclaves, personnes qui sont potentiellement des anciens cyborgs de son propre cirque. Et effectivement, lorsqu’elle revient, le vaisseau est parti… Cette scène m’a pas mal perturbée, parce que je continuais à imaginer les malheureux.ses dans la cale du vaisseau, qui ne sont PAS sauvés dans la suite du roman…

Et même si elle montre quelques signes de traumatisme par moment, elle est quand même capable d’obéir aux ordres de Céleste et d’opérer à la chaine des dizaines de cyborgs pour leur retirer leur implant, alors qu’elle n’a aucune connaissance médicale et que certains en ont besoin pour survivre, opération qu’elle est obligée d’effectuer SANS ANESTHESIE. Alors oui, moralement on ne peut pas lui reprocher de le faire, puisqu’elle le fait « mieux » que l’alternative, et qu’elle essaie de protéger sa propre vie, mais ça me parait être une expérience plus que traumatisante, dont elle a l’air de somme toute plutôt bien se sortir… Parce que oui, elle ampute à la chaine et sans anesthésie des gens qui n’ont rien demandé, se débattent et la supplie de ne pas le faire. Pendant des heures. Il faut être sacrement solide pour continuer à fonctionner correctement après ça.

  • Rora

Rora est le deuxième personnage dont on suit le point de vue dans le livre. C’est une fildefériste qui, contrairement à Gwen, participe à la compétition. Et l’objectif de Rora, c’est de se produire devant l’Empereur. D’après ce qu’on sait d’elle, elle vient d’une famille noble, a été dans une école d’art d’élite, mais a été blessée ce qui a compromis sa carrière. Et pour continuer ses représentations, elle a décidé de devenir cyborg. Déjà, une école de spectacle pour la noblesse, c’est un peu étrange (dans notre univers, les arts ont souvent fait partie de l’éducation des plus hautes classes dans différentes culture, mais le but est de briller en société ou trouver un conjoint, rarement d’en faire un métier). C’est un concept intéressant mais qui n’est pas plus détaillé que le nom de l’école. Et ensuite, en milieu de roman, on apprend que Rora s’est volontairement coupé la main pour devenir un cyborg. Pour pouvoir se produire devant l’Empereur. Empereur qui hait les cyborgs… En dehors de cette incohérence, je trouve que la motivation de Rora ne tient pas vraiment debout. Il y a énormément d’artistes qui sont prêts à des sacrifices incroyables pour continuer à pratiquer leur art. Mais en général, ils le font parce qu’ils aiment l’art en lui-même, ou alors la représentation, les feux de la rampe, les applaudissements, etc. Mais à aucun moment on ne perçoit l’amour de Rora pour sa discipline, ni même son plaisir à se produire en public. Elle veut simplement apparaitre devant l’Empereur, c’est tout. A priori c’est ce que ses parents voulaient pour elle, mais cet argument tient d’autant moins bien la route que Rora, comme tous les cyborgs, est censée perdre graduellement les souvenirs de sa vie avant l’opération… Et encore une fois, elle veut se produire devant l’homme qui a rendu son existence quasi illégale, ça n’a pas de sens^^.

Et au niveau moralité, Rora n’est pas jojo non plus. Son plan de départ est de séduire Gwen pour se servir d’elle pour améliorer son implant et être meilleure que les autres compétiteurs. Elle avoue aussi le plan de Gwen de tricher à la 3éme compétition, mais pour le coup, les autres personnages la traitent beaucoup trop durement puisqu’elle l’a avoué sous les menaces, voir même la torture.

 

Pour précision, le fait que tous les personnages ne soient pas des parangons de vertu n’est pas un défaut en soi. Mais il faut au minimum qu’on soit investi dans leurs motivations, pour qu’on les suive avec plaisir au cours du roman, et ici les motivations ne sont pas très solides. Rora évolue pour comprendre que l’amour est plus important que son ambition, mais comme à mon sens la relation amoureuse entre Gwen et Rora est surtout basée sur une attirance sexuelle immédiate et pas grand chose d’autre, cette évolution ne parait pas complètement justifiée.

L’univers

J’ai compté l’univers parmi les points forts de The Cyborg Tinkerer, mais c’est aussi un de ses gros points faibles. J’aime beaucoup les idées de départ et l’esthétique. Le problème c’est que ces idées ne sont soutenues par aucun worldbuilding. L’esthétique est là, clairement, mais à aucun moment le monde ne parait cohérent ou complexe. 

  • La technologie

La technologie est un des problèmes majeurs du worldbuilding de The Cyborg Tinkerer. L’ensemble n’est pas cohérent. Même s’il y a des vaisseaux spatiaux, ce sont plutôt des vieux rafiots que des engins futuristes. La « technologie digitale » (comprendre « les ordinateurs ») est décrite comme extrêmement rare et chère, mais à côté de ça, Céleste est capable de poser des puces sur ses compatriotes, puces qui contiennent du code assez évolué pour contrôler le comportement des gens. La technologie des cyborgs parait incroyablement avancée par rapport au reste, et l’Empereur se permet de l’interdire.

En soi, ce n’est pas très logique, dans très peu de cas une nation peut se permettre de se priver d’une technologie beaucoup plus performante que la sienne. Si je ne me trompe pas, c’est arrivé au Japon, qui utilisait intensément les armes à feu du XVIéme au milieu du XVIIéme siècle pour quasiment cesser jusqu’au XIXéme, mais ça n’a pu se produire que parce que le Japon n’a connu aucun conflit pendant tout cette période, et qu’il s’agit d’une ile, relativement isolée des agresseurs extérieurs. Dans The Cyborg Tinkerer, il est bien précisé que la technologie existe dans d’autres systèmes solaires, ce qui mettrait le système solaire où se passe l’histoire en grave déséquilibre militaire et commercial.

De la même manière, l’impact de ce genre de technologie sur l’univers n’est pas du tout étudié. On sait simplement que la création de nouveaux cyborgs est interdite, et les cyborgs sont des parias, mais ce que leur existence signifie n’est exploré que très ponctuellement. Notamment, Céleste a modifié Bastian, et toute sa Garde pour en faire des meilleurs soldats (Bastian a virtuellement un gilet pare-balles intégré par exemple), mais ces modifications n’apparaissent que dans l’intrigue en elle-même et ne sont pas impactées sur l’univers. Typiquement, en dehors du fait que les implants ont souvent l’air d’avoir été placés pour remédier à un problème médical, il n’y a aucune mention des avantages que les implants apporteraient. Evidemment, l’empire pourrait se créer une armée de soldats améliorés (ce ne serait pas très original, mais plutôt réaliste : historiquement avancées technologiques et guerres vont souvent main dans la main). En dehors de l’armée, les applications semblent très vastes : les implants ne sont pas seulement plus solides, celui de Gwen par exemple lui donne plus ou moins la vue de Superman… Chaque implant pourrait potentiellement révolutionner plusieurs branches de l’industrie, mais ce n’est pas du tout exploré.

  • La politique

Tout ce qu’on sait de la politique dans ce livre, c’est qu’il y a un empereur, et qu’il a un conseil, et qu’ils règnent sur une union de treize planètes. Le glossaire est d’ailleurs presque risible tellement il apporte peu d’informations, définissant par exemple « Union : une alliance de treize planètes du Système Crescent Star, avec un gouvernement constitué d’un empereur et d’un conseil intergalactique appelé le Conseil de l’Union ». Et c’est toute la profondeur du système politique. Le Conseil est mentionné, peut-être présent dans certaines scènes à la fin, mais on ne connait ni le nom ni la description d’un seul de ses membres. En soi ce n’est pas forcément un problème, si le gouvernement n’était pas impliqué dans l’intrigue. Notamment, la loi de prohibition des cyborgs est un point majeur dans l’intrigue, et il n’y a aucune mention de dissensions politiques à ce sujet, pas la moindre mention de factions ou de groupes de pouvoir. C’est un détail, mais un détail qui a une importance énorme sur la cohérence de l’intrigue et de l’univers. Déjà, parler d’empire sans parler de différences politiques donne immédiatement une image de gouvernement fasciste, avec un empereur, forcément maléfique, qui règne en dictateur sur la galaxie. Et dans ce cas, l’invitation de l’empereur, qui dit que la loi de prohibition vient de son Conseil et qu’il souhaite les convaincre, sonne immédiatement comme un piège. Alors que s’il y avait eu la moindre mention de factions politiques défendant les cyborgs (ne serait-ce que pour le gain technologique et monétaire qu’ils peuvent représenter), cela aurait à la fois rendu l’intrigue plus cohérente, et donné plus de profondeur à l’univers.

Aucune organisation n’est monolithique. The Cyborg Tinkerer contient d’ailleurs la même erreur à plusieurs niveaux. Le Conseil est une entité invisible et monolithique, tout comme le management du Cirque, qui est dirigé par Céleste et par un certain nombre de personnes qui ne sont même pas mentionnées séparément. Pour les artistes du Cirque en lui-même, l’introduction laisse entendre la présence de factions, mais il n’y a que Rora et ses amis d’un côté, et de l’autre, un « méchant » et son sous-fifre, et la seule raison pour leur antagonisme, c’est que le méchant comptait se taper Gwen et que Rora aussi (et Rora a elle-même refusé ses avances dans le passé). Pour les différentes planètes parcourues, il y a Jinx, la planète des hors-la-loi, Grandstand, la planète des indésirables, Convenant, la planète de l’Empereur. Encore une fois, cela ne donne pas l’impression d’un univers vivant, simplement d’une liste d’entités monolithiques.

  • Le reste

Il y a un certain nombre d’autres points que je n’ai pas aimé dans ce roman, et la liste est beaucoup trop longue pour que je la détaille. La répétition ad nauseam que l’héroïne va mourir dans le premier chapitre, l’attirance instantanée de tous les personnages pour l’héroïne (dans le premier chapitre, il suffit littéralement d’un regard échangé avec une inconnue pour qu’elles se retrouvent à baiser dans une allée, un seul regard…), le fait que l’héroïne sorte d’un job pourri mais qu’elle soit suffisamment douée (en tant que mécanicienne) pour que tous les personnages, y compris l’EMPEREUR la connaissent de nom pour ses talents, le fait que les sciences soient représentées de manière très approximative, en particulier l’informatique, le triangle amoureux composé à 100% de culpabilité, de méfiance, de changements d’avis et d’engueulades (et pardon aussi 100% de désir charnel intense mais non réalisé), les métaphores parfois très maladroites. Je ne vais pas tout détailler sous peine d’y passer des siècles, et je préfère me concentrer sur les leçons que je peux retenir de cette lecture.

Les leçons à tirer

L’équilibre entre « cool » et cohérence

Quand on écrit un roman, c’est tentant de mettre tout ce qui nous enthousiasme, en particulier quand on écrit de la fantasy. Je le sais, parce que j’en ai fait l’expérience. Dans Rêveuse, le roman dont je viens de finir le premier jet, j’avais une idée intéressante pour une ville, et puis une idée pour un système de magie, et un gouvernement, et des animaux, et des modes de transport, et une religion, etc etc. Et c’est difficile de tracer la limite entre ce qui rend le monde unique et original, et ce qui le rend décousu, incohérent ou bancal. Personnellement, je n’ai aucune certitude d’avoir réussi pour le moment, mais je vais certainement y prêter un peu plus attention après cette lecture.

Pour moi, Meg LaTorre est tombée dans le piège d’empiler des éléments qui avaient l’air cool : du steampunk, dans l’espace, avec un cirque, des cyborgs, et même des dragons ! Et clairement, oui, c’est ce qui m’a attirée vers ce bouquin, de mon point de vue c’est un concept qui avait l’air vraiment intrigant et prometteur.

En plus de vouloir rajouter des éléments cools, je soupçonne aussi l’autrice d’avoir voulu insérer des éléments purement pour des raisons marketing (c’est une suspicion uniquement, peut-être que ce n’est pas du tout le cas). Par exemple, le fait que l’intrigue se transforme en tournoi avec trois épreuves mortelles ressemble un peu trop à des grands succès, comme Hunger Games, ou comme The Savior’s Champion, un roman autopublié, extrêmement populaire d’une autre Youtubeuse qui a d’ailleurs écrit une des critiques de 4éme de couverture de The Cyborg Tinkerer. Non seulement c’est un trope ultra-populaire dans la catégorie « Young Adult », mais qui de mon point de vue n’a aucune justification dans l’histoire, et semble plutôt artificiellement inséré, tellement artificiellement inséré que l’héroïne ne participe même pas à ces épreuves. Le second point qui me fait penser à une étude de marché, c’est le fait que dans certains matériaux publicitaires (notamment sur le site de l’autrice, et sur Amazon il me semble), il est fait mention que le trio principal est basé sur les personnages de la Belle et la Bête et la Belle au Bois Dormant, et franchement, j’ai beau me creuser la cervelle autant que je veux, je ne vois aucun rapport avec ces deux contes. Or il s’avère que les versions modernisés des contes de fée sont aussi très en vogue en Young Adult (ou en tout cas ils l’ont été)… Je n’ai aucune certitude, mais dans les deux cas, je trouve ça un peu surprenant.

Dans tous les cas, que Meg LaTorre ait volontairement essayé de placer un tas de trucs populaires dans son livre, ou qu’elle les ait simplement choisi parce qu’elle les trouvaient cool personnellement, elle n’a, selon moi, pas réussi à les intégrer de manière cohérente dans son intrigue et dans son univers. Et pourtant, en y réfléchissant, je vois quelques modifications ou explications mineures qu’elle aurait pu utiliser pour justifier certaines choses, mais qui ne sont tout simplement pas présentes dans son propre texte.

Ce que je compte faire/ai déjà fait pour ne pas faire le même genre d’erreur

Comme je l’ai dit plus tôt, je suis en train d’écrire mon premier roman de fantasy, et je n’ai pas envie de tomber dans les mêmes pièges. Je sais aussi qu’il est beaucoup plus facile de voir les défauts dans le roman du voisin.e que dans le sien…

Voici donc quelques trucs que j’ai appliqués ou que je compte utiliser pour limiter les risques. Si vous en avez d’autres, n’hésitez pas à en parler dans les commentaires !

  • Se placer du point de vue du méchant

Cette technique, je ne l’ai pas encore utilisée sur Rêveuse, mais je l’ai appliquée sur La Muse aphone, mon premier roman dont le héros se retrouve en contact avec un serial killer. A un moment, j’ai pris le temps d’écrire la chronologie du roman du point de vue du serial killer. Cet exercice m’a été vraiment utile, parce qu’il m’a permis de me rendre compte de certaines incohérences (notamment que le méchant devait avoir une raison d’établir un contact avec mon héros), mais cela m’a aussi donné des idées et permis de renforcer mon intrigue toute entière.

Dans le cas de The Cyborg Tinkerer, se placer du point de vue du méchant permet rapidement par exemple de se rendre compte que le plan de Céleste est une perte de temps et d’énergie monumentale. Bien sûr, les lecteurices ne feront pas forcément l’effort de retracer les actions d’un antagoniste à la minute près, mais certaines personnes sont plus attentives à ce genre de choses que d’autres, et dans tous les cas, même si c’est « invisible » virtuellement, je pense que cela se ressent dans l’intrigue de la même manière qu’un univers détaillé dans l’esprit de son ou sa créatrice apparaitra plus riche, même si tous les détails ne sont pas décrits dans le texte.

  • Examiner l’implication de chaque élément de l’univers

Notre monde est tel qu’il est à cause d’une infinités de facteurs. Modifier certains de ces facteurs pour créer un univers de fantasy a forcément des impacts, plus ou moins importants, et il faut être capable de les imaginer.

C’est un exercice compliqué, et un exercice que je ne suis pas sûre de réussir. La ville dans laquelle se passe mon roman a beaucoup de spécificités (très peu de métaux, une énergie éolienne très développée dans un canyon venteux, un climat aride, un système de magie qui court le risque d’être trop puissant) et j’espère ne pas passer à côté d’incohérence majeure.

Une de mes préoccupations principales concerne mon système de magie, qui peut avoir certains points communs avec de la télépathie. J’ai essayé de limiter un maximum le champ de mon système de magie, parce qu’il a surtout un sens religieux dans mon histoire, même si mes héroïnes l’utilisent dans leur enquête. En particulier, j’ai essayé d’être prudente sur la façon dont il pouvait être utilisé offensivement/malhonnêtement. Il y a aussi des implications morales à s’infiltrer dans l’esprit des gens et j’ai essayé d’en tenir compte. 

De manière générale, j’ai essayé de prendre chaque spécificité de mon univers, et de réfléchir un minimum à ses implications. La difficulté, c’est que cela peut demander des connaissances qu’on n’a pas forcément (par exemple dans mon cas, sur les vents et le climat), et donc une certaine quantités de recherches.

En dehors de recherches sur des sujets qui concernent spécifiquement votre roman, avoir des notions d’histoire, de sociologie et d’ethnologie, pour comprendre comment se développent des civilisations et cultures peut aider.

Personnellement, je recommanderai chaudement De l’inégalité parmi les sociétés : Essai sur l’homme et l’environnement dans l’histoire, par Jared Diamond. En fait, j’écrirai probablement un article complet sur le sujet dans un futur plus ou moins proche. Diamond ne parle absolument pas d’écriture dans ce livre, il se pose simplement la question « pourquoi certaines sociétés sont plus ‘évoluées’ que d’autres à certains points dans le temps ?’. La réponse que donne Diamond est basée entièrement sur les conditions climatiques et géographiques des différentes régions de notre monde. Ce livre est une vraie pépite, non seulement parce qu’il met un grand coup de pied dans tout un tas de théories racistes (les européens n’ont aucune supériorité sur le reste du monde, ils sont simplement dans des conditions géographiques qui à la fois leur ont permis et les ont forcé à une escalade technologique constante), mais parce qu’il décrit parfaitement le développement des civilisations et l’impact d’un certain nombre de facteurs : domestication des animaux, et agriculture, isolement relatif des populations, etc. Une véritable mine d’informations pour un.e apprenti.e worldbuilder.

Dans tous les cas, The Cybor Tinkerer aurait sûrement bénéficié d’un peu plus de développement dans ce sens, surtout en ce qui concerne l’existence des cyborgs. Les cyborgs ont des capacités dans l’intrigue, mais sont réduits au statut de parias en dehors, alors qu’ils peuvent avoir des avantages énormes sur leurs compatriotes humains. Même si aucune faction/industrie/nation ne les défend contre la décision de l’Empereur, ils devraient au minimum être hautement prisés dans les milieux illégaux. Leur système solaire comprend une planète complète dédiée à la piraterie, ils devraient y trouver une bonne place…

  • Le filtre du thème

En tant que débutante en fantasy (mon premier roman est un policier contemporain), j’ai eu du mal à décider quel équilibre utiliser dans mon univers entre éléments familiers et éléments originaux. Plus il y a d’éléments « originaux » plus le risque de ne pas tenir la route est élevé. Mais en plus de cela, l’univers peut facilement ressembler à un patchwork plus qu’à un monde cohérent. 

La méthode qui m’a aidé à lutter contre ce problème, c’est de me raccrocher à mes thèmes. J’ai choisi deux ou trois thèmes principaux pour mon roman, et je les ai utilisés pour faire du tri et pour repréciser autant mon intrigue que mon univers. Par exemple, j’avais prévu à l’avance les différentes fausses pistes que mes héroïnes suivraient au cours de leur enquête, mais au fur et à mesure que j’écrivais, l’une d’entre elles me paraissaient tirées par les cheveux et hors sujet : ma victime avait fait un découverte scientifique qui aurait pu lui coûter la vie, mais la nature de cette découverte ne collait pas avec le ton de mon univers. J’ai donc fait en sorte que cette découverte soit liée à un de mes thèmes, et non seulement cette fausse piste parait moins déplacée, mais cela renforce le reste de l’intrigue. Je ne dis pas que je ne vais pas rechanger d’avis trois fois avant la version définitive, mais cette fausse piste est déjà bien meilleure que la précédente.

Le problème, pour l’appliquer à The Cyborg Tinkerer, c’est que le livre est un peu faible en matière de thèmes. Rora a définitivement un arc narratif, puisqu’elle apprend que parfois, l’amour ou l’amitié vaut plus que l’ambition, mais comme son ambition n’est pas bien établie au départ, l’impact est réduit. L’arc de Gwen consiste peut-être à s’ouvrir émotionnellement au lieu de se limiter à des relations purement charnelles, mais comme elle tomber amoureuse presque instantanément, et de deux personnes à la fois, ce thème n’est pas très solide. La difficulté de trouver un équilibre entre trois partenaires pourrait être explorée, mais elle ne l’est pas du tout. Pourtant, les cyborgs peuvent être une source de thèmes incroyable : le thème de l’humanité chez des personnes qui deviennent partiellement machine, les thèmes liés à la maladie et au handicap, par exemple le fait de s’habituer à un corps qui brutalement changé, les risques engendrés par ce genre de technologie (techniquement on voit plusieurs risque : les cyborgs perdent leur mémoire et peuvent être contrôlés mentalement, mais c’est découvert seulement à la fin du roman, et il n’y a aucune discussion sur l’équilibre entre bienfait et risque de ce genre de procédure), les implications médicales, le rejet de la différence, etc, etc. On ne sait même pas pourquoi les cyborgs ont été interdits, et il n’y a aucune discussion sur leur nature, les risques, etc. Et c’est une occasion manquée, qui aurait pu enrichir le roman et son univers.

  • Eviter l’effet « planet of hats« 

Sur ce sujet, je vous recommande l’article du site Mythcreants (si vous lisez l’anglais) : Avoiding the Planet of Hats. En résumé, « la planète des chapeaux » est un trope très fréquent qui consiste à donner une unique caractéristique à un groupe de personnes. Par exemple, créer une planète dont tous les habitants portent le même chapeau (un exemple extrême tiré, il semblerait, d’un épisode de Star Trek). The Cyborg Tinkerer est assez souvent coupable de ce cliché : typiquement, dans le glossaire lui-même, Jinx est décrite comme « la planète des pirates ». 

Dans la réalité, aucun groupe et aucun lieu n’est entièrement uniforme. L’appartenance à une planète, nationalité, religion, etc ne fixe ni les goûts, ni le caractère, ni l’opinion d’une personne. Pour régler ce problème, il suffit de le garder à l’esprit et de s’assurer qu’au minimum on sous-entend l’existence de diversité dans un ensemble donné. Dans le cas de The Cyborg Tinkerer, le seul fait de créer au moins deux factions au sein du Conseil, pour ou contre les Cyborgs, avec au moins un porte-parole pour chaque aurait à la fois donné beaucoup plus de profondeur à l’univers, permis d’explorer certains thèmes en fonction des arguments donnés à chaque parti, et rendu plus crédible le plan de l’Empereur…

Conclusion

Il est largement temps de mettre un terme à cet article^^.

Si j’ai autant pesté contre ce bouquin, c’est, je crois, parce que je suis déçue. Je vois le potentiel, et c’est d’autant plus frustrant de butter contre les défauts.

Pour moi, simplement transformer la compétition mortelle en vrai entrainement/sélection de numéro, avec un fond d’enquête, et simplement ajouter des factions en désaccord sur l’interdiction des cyborgs, aurait déjà grandement aidé.

Dans tous les cas, je suis contente d’avoir lu ce livre, parce qu’il m’a beaucoup fait réfléchir. Essayer de voir comment on améliorerait un roman est un exercice très intéressant (et c’est un bon entrainement pour être capable de détecter les défauts de ses propres romans.

Et vous, est-ce que vous trouvez instructif en tant qu’auteurice de lire des livres qui ne vous plaisent pas ? Est-ce qu’il y a des exemples de romans que vous avec aimé détester ? Dites- moi tout dans les commentaires !

 

 

3 réflexions au sujet de “The Cyborg Tinkerer : cool ne suffit pas”

  1. C’est super intéressant comme démarche, et suite à ton article, j’ai essayé sur un roman qui avait tout pour plaire (du space opera, de la révolte, des espères extraterrestres, des questions sur les identités de genre…) et qui pourtant a été plutôt dur de finir. Je pense avoir mis le doigt sur ce qui m’a bloqué, pas mal de « trop » : trop de personnages difficilement discernables, trop de sous-arcs, trop d’actions (comme quoi c’est possible…), trop d’informations dans tous les sens, mais aussi le fonctionnement du monde pas tout à fait clair (fin pour moi ^^) et un complot politique que j’ai trouvé confus (notamment car le fonctionnement du monde n’était pas clair).

    Y’a plus qu’à faire de même sur mes propres textes… ce qui est plus facile à écrire qu’à faire ^^

    1. Merci pour ton commentaire ! Oui, c’est beaucoup plus difficile d’avoir assez de recul sur ses propres textes… Mais je pense que justement, faire l’exercice sur ceux des autres est un bon entrainement. En tout cas, j’espère^^

  2. Ton article tombe à pic : je viens d’abandonner le roman « Les Seigneurs de Bohen » d’Estelle Faye, qui a pourtant de très bonnes critiques, et j’ai fait la même chose quelques semaines plus tôt avec « Porcelaine » ^^
    Dans les deux cas, j’ai eu un problème avec la narration qui ne m’a pas semblée bien gérée, qui sautait tout le temps d’un personnage à l’autre, ce qui apportait beaucoup de confusion. Les motivations des personnages, dans les deux cas, n’était pas non plus très claires.
    J’ai lu 20% des Seigneurs de Bohen, puis je suis allée jeter un œil aux critiques et celles qui n’étaient pas positives m’ont confirmé que ce que je n’aimais déjà pas allait se poursuivre dans tout le reste du roman.
    Ton article m’a bien fait rire parce que  » il suffit littéralement d’un regard échangé avec une inconnue pour qu’elles se retrouvent à baiser dans une allée », c’est EXACTEMENT ce qu’il se passe dans un des premiers chapitres ^^ Enfin presque : l’héroïne se balade sur les quais d’un port, elle aperçoit une fille dans une barque, elles échangent un sourire, l’héroïne est prise d’une pulsion sexuelle presque irrépressible (alors qu’elle est en couple), elle hésite à entraîner la fille dans une allée, mais à la dernière minute elle résiste à la tentation.
    En revanche, 2 chapitres plus tard, elle rencontre une autre femme qui évidemment est très séduisante et l’embrasse à la première occasion… #Fatigue. Comme toi je peux apprécier la romance, mais là elle était omniprésente et faisait passer l’intrigue principale au second plan, ce que j’ai trouvé maladroit.
    En tout cas merci de nous avoir alertés sur The Cyborg Tinkerer ! (Je suis déçue que Jenna Moreci en ait fait une si bonne critique, son Savior Champion est dans ma PAL depuis longtemps).

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