
Cette semaine, j’ai décidé de faire comme tout le monde et de vous parler d’une très longue série, d’un auteur ultra connu, dont la fin m’a laissée perplexe…
Non, je ne parle pas de Game of Thrones, mais bien de la Tour Sombre de Stephen King….
(Mais si vous voulez mon avis sur GoT, comme beaucoup de gens, je pense que la fin a été beaucoup trop rapide, et que beaucoup d’arcs de personnage ont été bâclés, d’où l’insatisfaction générale : les choix de la série seraient sûrement mieux passé s’ils avaient pris le temps de les amener. Mais d’autres l’ont expliqué mieux que moi. Parenthèse close^^)
Alors oui, il y aura des spoilers, mais je ne sais pas si je vous conseille vraiment de lire toute la série avant cet article, sous peine de ne vous revoir qu’en 2025… (sans compter que comme vous allez le voir, cette série ne m’a pas vraiment convaincue). Pour la même raison, je ne l’ai pas moi-même relue pour me rafraichir la mémoire, puisqu’elle compte plus de un MILLION deux cent quarante mille mots (soit 200k de plus que la série Harry Potter par exemple), sur 7 tomes. S’il y a des experts de la Tour Sombre parmi vous, je m’excuse par avance des erreurs et approximations que je risque de faire…
Pourquoi vous parler de la Tour Sombre ?
So many feelings…
J’ai lu cette série il y a quelques années, un peu avant la sortie de l’adaptation cinéma je crois. Ma lecture a coïncidé avec le moment où j’ai commencé à réviser mon propre roman, et donc à réfléchir aux questions de structure, de thèmes, à l’utilité de chaque scène, etc
Je pense que la Tour Sombre est une des œuvres qui a provoqué une des réactions les plus fortes chez moi, dans le sens où j’ai dû passer des heures à saouler mon compagnon avec mon incompréhension sur les choix de King et mes réflexions sur ce que j’aurais voulu changer dans cette histoire. Et maintenant c’est votre tour, mouahaha ! (je regrette simplement de ne pas avoir pris des notes à l’époque, mes commentaires aujourd’hui ont été recréés à partir d’une relecture des synopsis dans Wikipédia)
C’est une bonne illustration de l’intérêt de lire des romans qu’on ne trouve pas parfait : cela nous pousse à réfléchir nous-même à leurs défauts et aux solutions possibles, et la Tour Sombre a clairement joué ce rôle pour moi.
Stephen King, le Jardinier par excellence
King ayant écrit un des livres les plus célèbres de conseil d’écriture (que je critique dans cet article^^), son processus est bien connu. King est un Jardinier ou « pantser » : il ne fait jamais de plan avant d’écrire ses romans. Sa spécialité, c’est de prendre un personnage, de le placer dans une situation difficile (et en général fantastique), et de voir ce qui se passe… Ses romans sont donc fortement « character-driven« , c’est-à-dire que ce sont les personnages qui génèrent l’intrigue, et non pas l’inverse.
Petite parenthèse : le but de cet article n’est bien sûr pas de cracher sur Stephen King. Je l’admire pour plusieurs raisons : d’abord parce qu’il a le courage et le talent de s’être taillé un succès en écrivant de l’horreur, un genre souvent considéré comme « vulgaire » ou « inférieur ». Et ensuite, King a vraiment un don pour les personnages. Même dans les romans que j’ai moins apprécié, ses personnages sont souvent d’un réalisme saisissant, ce qui colle avec sa façon de travailler : il développe ses personnages et ce sont eux qui font naitre l’histoire.
Malheureusement, ce mécanisme fonctionne plus ou moins bien selon le type d’histoire. Dans un huis-clos psychologique comme Misery, c’est parfait. Dans une fresque épique sur 7 tomes…
Ça peut coincer (pas forcément, mais on en reparlera plus tard^^).
King l’a dit lui-même : il considère la Tour Sombre comme un seul immense roman, qu’il n’aurait pas édité.
Je suis désolée, Stephen, mais ça se sent…
Un (rapide) résumé
Pour que vous ne soyez pas perdus dans mes commentaires, je vais essayer de donner un résumé court et compréhensible… (je simplifie volontairement certaines choses, comme les différents noms de Susannah, etc) Vous remarquerez que le résumé n’est pas très favorable à une œuvre aussi fantastique, ça tourne un peu au Kamoulox…
Tome 1 : Le Pistolero
Roland, le Pistolero, poursuit l’Homme en Noir depuis des années à travers un univers proche du Far West mais rempli de vestiges technologiques étrangement familiers, dans sa quête pour atteindre la fameuse Tour Sombre. Au passage, il rencontre Jake, un jeune garçon a priori mort dans notre monde, qu’il sacrifie pour poursuivre sa quête (il massacre également une ville entière). Il finit par rattraper l’Homme en Noir qui lui tire les cartes, et lui donne une vision psychédélique de l’Univers avant de supposément mourir…
Tome 2 : Les trois cartes
Roland se réveille 10 ans plus tard au bord d’une plage et perd deux doigts dans un combat contre un homard géant. Sa blessure s’infecte et il part en quête de médicaments. Il rencontre tour à tour trois portes liées aux cartes de tarot du t1. En passant la première, il prend le contrôle d’Eddie Dean, un jeune héroïnomane New Yorkais en 1987. Il l’aide à se sortir des griffes d’un trafiquant, puis à venger la mort de son frère. Eddie suit ensuite Roland dans son monde. Derrière la deuxième porte, ils rencontrent Susannah en 1964, une jeune femme noire en fauteuil roulant, atteinte d’un trouble dissociatif de la personnalité. La troisième porte donne sur l’homme qui a provoqué la perte des jambes de Susannah, ainsi que la mort de Jake, le petit garçon du tome 1. Roland empêche sa mort, les personnalités de Susannah fusionnent, Eddie est sevré, et Roland guérit son infection.
Tome 3 : Les terres perdues
La non-mort de Jake provoque un paradoxe qui trouble l’esprit de Roland et Jake qui ont des souvenirs des deux chronologies simultanément. Pour résoudre ce problème, ils ouvrent une porte pour que Jake puisse les rejoindre dans le monde de Roland (cela implique que Susannah couche avec un démon). Ils partent tous ensemble à la recherche de la Tour Sombre et tombent sur Lud, une ville en ruine où Jake se fait kidnapper par des personnages échappés de Mad Max (ça c’est mon interprétation^^). Ils parviennent à s’enfuir de la ville à bord de Blaine, un train intelligent mais complètement fou, qui leur fait traverser une étendue radioactive.
Tome 4 : Magie et cristal
Jake court-circuite le train fou (qui n’avait surement pas lu le Hobbit^^) dans un concours d’énigmes. S’ensuit un flashback d’un tome complet où Roland raconte comment il est devenu Pistolero, comment il a accidentellement tué sa propre mère et comment l’amour de sa vie est morte brûlée vive. Malgré tout, le groupe continue à suivre Roland dans une ville qui ressemble étrangement à la cité d’émeraude du Magicien d’Oz (ce parallèle est explicite). La magicien s’avère être l’Homme en Noir, qui est aussi l’homme qui a séduit la mère du héros.
A partir du tome 5, l’histoire se complique…
Tome 5 : Les loups de la Calla
Le groupe protège un village d’une attaque mystérieuse qui survient une fois par génération pour enlever la moitié des enfants. Une forme de rêve leur apprend qu’une société maléfique veut racheter un terrain vague de New York sur lequel pousse une rose qui est une représentation de la Tour Sombre et qu’ils doivent à tout prix protéger. Au passage ils rencontrent le Père Callahan, qui a la capacité d’identifier des vampires (oui, il y a des vampires aussi), et qui est mort dans notre monde avant d’entrer dans celui de Roland. A la fin du tome, Susannah a de nouveau une dissociation d’identité, parce qu’elle est enceinte du démon du tome 3. Le village est sauvé (par les villageoises qui savent lancer des assiettes coupantes) et Père Callahan tombe sur un roman de son monde écrit par Stephen King qui décrit son histoire (oui oui, Stephen King est un personnage de sa propre série^^).
Tome 6 : Le chant de Susannah
Une personnalité « maléfique », Mia, a pris le contrôle de Susannah et l’emmène accoucher dans un restaurant de notre monde, aux mains du Roi Cramoisi (le grand méchant de l’histoire). Jake et Callahan partent à sa poursuite.
Pendant ce temps, Eddie et Roland rachètent le terrain vague où se trouve la rose à New York, et partent en expédition dans le Maine pour rencontrer Stephen King. Ils se rendent compte que King est le medium par lequel se traduit l’histoire de la Tour Sombre, et le pousse à reprendre l’écriture de la série.
Tome 7 : La Tour Sombre
Callahan et Jake combattent une horde de vampires pour rejoindre Susannah, menant au sacrifice de Callahan. Susannah se sépare de Mia, qui accouche d’un fils, Mordred, qui se transforme en araignée et la dévore… Pour des raisons tordues (Roland a couché avec le même démon que Susannah dans le t1), Roland est en fait le père de Mordred et Mordred le poursuit donc (tuant au passage l’Homme en Noir, qui a une fin assez inconséquente pour un antagoniste principal).
Le groupe fait échapper un groupe de médiums exploités par le Roi Cramoisi pour détruire les Rayons qui maintiennent la Tour. Eddie meurt au passage. Roland et Jake retournent dans le Maine pour sauver la vie de Stephen King de l’accident de voiture (qui lui est réellement arrivé en dehors du roman), et Jake meurt écrasé. Encore une fois.
Roland et Susannah sauvent un dessinateur des griffes d’un vampire (grâce à des indices laissés par Stephen King dans l’histoire). Ils parviennent ENFIN à la Tour Sombre, qui est occupée par le Roi Cramoisi. Heureusement les croquis du dessinateur sont magiques et se matérialisent : il lui suffit de dessiner le Roi et de le gommer…
Susannah part vivre dans un monde parallèle où Eddie et Jake sont vivants et frères.
Roland grimpe dans la Tour et… se retrouve au début du tome 1, en ayant perdu tous ses souvenirs. La seule différence, c’est qu’il a en sa possession le Cor d’Eld, qu’il avait perdu dans la bataille du t4…
Quelques petits problèmes…
Je ne dirais pas que j’ai passé un mauvais moment en lisant cette série (à part peut-être pour les t1 et t4), mais elle souffre quand même de problèmes assez lourds qui en font exactement ce que King a dit lui-même, c’est-à-dire un énorme roman qui aurait eu bien besoin d’un peu de révision…
Rentrons dans le vif du sujet.
Le tome 1 est chiant
Alors oui, je vais être un peu hyperbolique, parce que c’est plus marrant comme ça^^ Et mon but n’est pas non plus de critiquer les gens qui ont aimé cette série, (il y en a beaucoup !). Tout le monde n’accorde pas la même importance aux mêmes éléments d’un récit, et comme je l’ai dit plus haut, King est un excellent écrivain, ce qui m’a permis de lire jusqu’au bout ce petit million de mots, même si j’ai eu du mal à avaler certains défauts.
Je n’ai pas du tout accroché sur le premier tome, parce qu’il manquait des éléments majeurs de l’histoire, liés à son personnage principal : la motivation et le développement du personnage.
Alors oui, Roland a une motivation : trouver la Tour Sombre. Sauf que cela ne compte pas s’il n’y a aucun enjeu derrière ! King a joué à fond sur le côté mystérieux, à la fois de l’univers et du héros, sauf que c’est poussé beaucoup trop loin. Au final, on suit pendant tout le roman un mec qui court après un autre mec, et… c’est tout. Pardon, le héros massacre une ville entière, qui l’attaque, et j’avoue qu’à ce moment je me suis demandé si je n’avais pas lu un peu vite, et que Roland n’était pas en fait le Méchant de l’histoire. C’était d’autant plus crédible qu’on sait très peu de choses sur lui pendant la majorité du livre, et qu’en général, c’est plutôt le méchant qui court après le héros que l’inverse… L’absence d’enjeu (que se passe-t-il si Roland ne trouve pas la Tour Sombre ??) et le peu de développement de Roland dans ce tome rend vraiment difficile de se prendre à l’aventure…
Ce problème de motivation touche d’ailleurs la série complète. A mon souvenir, le premier moment où on a un début d’explication de l’importance de la Tour Sombre (explication que j’ai d’ailleurs oubliée) se trouve dans le flashback géant du tome QUATRE ! Trois tomes à poursuivre un truc sans raison, c’est un peu long…
Ma suggestion :
Couper purement et simplement le tome 1. La seule chose que ce tome apporte à l’histoire globale, c’est la rencontre avec Jake (et son sacrifice), un mini-flashback, et le fait que l’Homme en Noir tire les cartes à Roland ce qui justifie le titre du tome suivant. Ses éléments auraient simplement pu être intégrés dans le tome 2, qui lui, est excellent (d’ailleurs ma suggestion pour la série dans son état actuel pourrait être « lisez uniquement le t2″^^).
Le tome 2 a tout ce qui manque cruellement au tome 1 : principalement, des enjeux clairement définis (Roland doit trouver des médicaments sous peine de mourir, Eddie doit résister à cette entité bizarre qui prend contrôle de lui, puis échapper à la police, à un dealer, essayer de sauver son frère, le venger, le tout en gérant son addiction à la drogue), et des personnages avec une histoire, des motivations, et des TONNES de conflit, entre les barons de la drogue, les portes spatio-temporelles, les homards géants, les identités dangereuses de Susannah, un meurtrier, etc… Bref, lisez le tome 2^^
Le traitement des femmes est… inégal
Commençons par le bon côté, Susannah. Susannah est un personnage principal, qui est une femme noire et handicapée, ce qui est suffisamment rare pour être noté… La représentation de sa maladie mentale est surement incorrecte (à ma connaissance, les troubles de l’identité sont infiniment plus rares que ce que laisse penser la fiction…). Pour ce qui est de sa représentation en tant que personne de couleur et en tant que personne handicapée, je ne suis pas qualifiée pour juger, mais au moins King a fait l’effort de choisir un personnage qui ne soit pas un homme blanc valide. Et dans mon souvenir, elle n’est pas une « demoiselle en détresse qu’il faut sauver sans cesse. Elle devient elle-même Pistolero et elle est suffisamment active dans l’histoire.
Les problèmes apparaissent surtout dans les tomes 1 et 4. A priori, King a commencé le tome 1 lorsqu’il avait 19 ans, et ça se sent… Dans le tome 1, Roland (qui est en théorie plutôt âgé) est simplement IRRÉSISTIBLE. Toutes les femmes qu’il croise veulent coucher avec lui, y compris les démons. Ok, c’était plus ridicule que problématique.
Par contre, j’ai vraiment détesté intensément le tome 4. Le tome 4 est un immense flashback de plus de 250 000 mots. Un flashback qui a pour seul but de montrer la mort tragique de Susan, l’amour de jeunesse de Roland. Et dès le début du flashback, on sait que son seul but dans cette histoire c’est de mourir horriblement. Donc non seulement, c’est clairement un cas de « fridging » (c’est-à-dire de personnage féminin tué dans le seul but de donner une motivation au héros), mais King choisit de remuer le couteau dans la plaie pendant un tome complet et très très long. Dans ce cas, c’est un trope qui m’est personnellement désagréable : j’ai du mal à lire un roman complet qui s’attache à un personnage dont je sais dès le départ qu’elle va mourir atrocement et gratuitement (le pire c’est que Susan était intéressante !). Ça peut fonctionner si c’est sur le ton de la tragédie : les personnages combattent un destin qu’ils ne peuvent pas éviter, ou si c’est une mort héroïque, etc. Mais là, Susan meurt vraiment gratuitement. Brûlée vive. Avec en prime quelques scènes qui fleurent bon l’agression sexuelle (parce que le seigneur local la veut pour son lit), et une sorcière qui a décidé qu’elle ne l’aimait pas parce qu’elle est trop belle, ou quelque chose comme ça… Et bien sûr elle « fait perdre la tête » au héros. La combinaison gagnante.
En plus de la pauvre Susan, King « fridge » aussi la mère du héros, qu’il tue par accident. Toute l’histoire avec la mère du héros est aussi assez problématique : elle trompe son mari avec l’Homme en Noir du t1, ce qui pousse Roland à entreprendre beaucoup trop tôt le défi pour devenir Pistolero. Je ne me souviens pas des détails mais il me semble que l’histoire ne laisse jamais entendre que la mère a pris la décision d’être infidèle. Elle a peut-être été manipulée par magie, mais on a surtout l’impression, qu’il s’agit d’une affaire entre Roland, son père, et l’amant, et que la mère n’a aucune part active dans cette histoire…
Par la suite, Susannah couche avec un démon pour faire diversion, et se retrouve enceinte de l’enfant de Roland via ce démon… C’est tordu, pas forcément idéal non plus, mais à côté du tome complet dédié à la torture d’un personnage féminin jetable, ça passe…^^
Ma suggestion :
Bon, ma première idée serait purement et simplement de jeter le tome 4. Oui cette série sera beaucoup plus courte une fois que j’en aurait fini avec^^. Après tout, ce tome n’est qu’un flashback géant, qui n’apporte en pratique rien à l’histoire, à part donner enfin une backstory à Roland.
Le seul souci, c’est que ce tome pourrait être important pour le thème, mais on en reparlera plus tard…
Si on ne peut pas juste se débarrasser de ce tome, le minimum serait de donner une fin plus glorieuse à Susan. Un morceau de thème important dans ce tome, c’est que Roland n’hésite pas à sacrifier ses proches pour atteindre son but. Il faudrait au moins que Susan se sacrifie volontairement pour Roland, et que celui-ci essaie de l’en empêcher/ de la retenir.
L’intrigue part dans tous les sens
Quand j’ai relu les synopsis des tomes et pris des notes, j’ai été frappée par l’absurdité de certains passages. Au cours d’une saga, c’est plus facile d’introduire des éléments bizarres, mais dans un résumé, ils vous frappent en plein visage… Je ne critique pas le choix d’univers de King, je trouve le mélange Western avec des éléments post-apocalyptiques intéressant. Le fait qu’il y ait des éléments technologiques de notre monde, à moitié détruits ou enterrés est très intriguant (et jamais expliqué). Mais King a empilé le plus d’éléments possibles par-dessus ce concept. Par exemple, j’ai plutôt apprécié les Loups de Calla. C’était un des rares tomes avec des enjeux très clairs et très urgents (les Loups vont venir enlever les enfants, et c’est pas cool^^). Le fait qu’il s’agisse de robots est un poil prévisible, mais bien intégrée dans un univers un peu moyenâgeux, mais avec des restes de technologie mal comprise. Par contre, l’histoire du Père Callahan tombe comme un cheveu sur la soupe. Dans cette histoire avec des robots, des homards géants, des trains qui parlent, des mutants, des orbes magiques, était-ce vraiment nécessaire de rajouter une couche de vampires ??? La seule raison de rajouter des vampires, c’était de faire le lien avec le roman de King dont Callahan est le héros. En dehors de ça, les vampires n’ont rien à faire là.
De la même manière, l’intrigue globale part en vrille. Roland cherche à atteindre la Tour, ok, très bien. Mais au passage, il doit aussi empêcher la destruction de Rayons qui la soutiennent. Mais aussi protéger une rose dans un terrain vague de New York qui pour une raison inconnue est une représentation de la Tour. Il y a peut-être un lien logique ou symbolique entre tout ça, mais je l’ai perdu en cours de route.
A côté de ça, les méchants par exemple vont et viennent. L’Homme en Noir change de nom au moins 3 fois, mais n’a finalement rarement un impact sur l’histoire (à part au tome 4 où il monte un complot pour faire tomber le royaume de Roland). La plupart du temps, il fait des apparitions où il tortille sa moustache, rien de plus, et il meurt piteusement dans le dernier tome, tué par un méchant tout neuf, presque hors écran. A l’inverse, le Grand Méchant derrière tout ça, le Roi Cramoisi, n’a même pas de mention dans les synopsis avant le tome 6 !!! (il serait a priori référencé brièvement au moins dans les tomes 1 et 3)
Ma suggestion :
Faire du tri. Comme un premier jet, la série part dans tous les sens. Il y a une multitude d’idées, qui ne sont pas forcément mauvaises en soi, mais parfois il faut faire des choix. Pour moi, par exemple, les vampires sont clairement hors sujet dans cette histoire. Beaucoup de péripéties n’apportent presque rien, alors que des aspects qui devraient être importants disparaissent. Le Roi Cramoisi n’apparait que très tardivement, et je n’ai aucun souvenir de ses motivations (détruire le monde ??).
Ensuite, c’est une question de choix, qui sera très lié avec mon chapitre suivant. Par exemple, l’intrigue avec la rose est intéressante symboliquement, et elle est aussi intéressante parce qu’elle garde un lien entre le monde de Roland et notre monde. Cette intrigue va très bien avec le tome 2 par exemple, qui est construit sur ce principe. Mais elle fonctionne moins bien avec la poursuite de la Tour en elle-même.
Les thèmes sont embrouillés
Il y a un lien net avec le sujet précédent : trop d’intrigues, trop d’éléments de décor, et donc trop de thèmes.
Par exemple, King apparait en tant que personne de son propre roman, avec l’idée que c’est lui qui fait vivre ce monde. Le thème serait donc l’importance de la fiction, une idée qu’on retrouve par exemple dans l’Histoire Sans Fin (le héros agit sur le livre qu’il lit). Il y a aussi un dessinateur qui donne vie littéralement à ses dessins, et les personnages reçoivent des indices du personnage de King dans le dernier tome. Seulement cette idée n’apparait qu’à la toute fin du tome 5, pour prendre son importance dans les tomes 6 et 7. Un peu tard pour être le thème de la série…
Le thème se lit en général dans la façon dont l’œuvre se termine. Ici, Roland passe une porte qui le ramène au début du tome 1. Roland revit en fait en boucle les mêmes événements, jusqu’à ce qu’il change et que le cycle se termine.
La page Wiki française ajoute « Répéter sans fin son existence, sans jamais s’en souvenir, à partir du moment où il poursuit l’homme en noir est sa punition pour sa quête obsessionnelle de la Tour et tous ses pêchés commis en ce nom. « .
Dans cette optique, la quête de la Tour est une quête personnelle, et Roland ne l’atteindra vraiment que si il arrive à devenir meilleur. Donc tous les passages où il sacrifie ou laisse se sacrifier des camarades deviennent importants (notamment mon tome 4 tant haï). Sauf que du coup, le Roi Cramoisi et le fait que la Tour représente l’Univers, n’ont plus vraiment de sens. Soit il s’agit d’une quête personnelle, soit la Tour est vraiment un pilier de l’Univers, mais le maintien des deux est compliqué. Et si on rajoute par-dessus la toute puissance du personnage Stephen King sur le monde de Roland, ça devient une purée complète (à part si chaque itération représente un jet du manuscrit de King, mais Roland perd tout son libre-arbitre dans ce cas).
La notion de destinée est également omni-présente dans l’histoire, avec des chiffres qui reviennent, des coïncidences (encore une fois, ces éléments apparaissent dans les tous derniers tomes). Mais la notion de destinée est également contraire à cette fin : si Roland avait une « destinée » au sens classique, il revivrait toujours exactement les mêmes événements sans perspective de changement…
Ma suggestion :
Encore une fois, il faut faire un choix ! Quand on dit tout et son contraire, on ne dit plus rien (mes excuses s’il y a une théorie philosophique qui relie parfaitement tous ses éléments, je suis passée à côté…).
Choisir un thème permettra de faire beaucoup plus facilement un tri entre les éléments de l’intrigue.
Si l’idée, c’est que Roland doit recommencer jusqu’à être un être humain potable, il faut conserver les passages où il sacrifie ses camarades (t1 et t4 notamment), et ensuite les passages où ses camarades le poussent, par exemple, à se détourner de leur quête pour aider d’autres gens. La notion de destinée n’a pas vraiment lieu d’être dans cette version, pas plus que celle de King en tant que personnage. Le Roi Cramoisi peut disparaitre, un antagoniste humain comme l’Homme en Noir, qui croirait à l’existence d’un pouvoir dans la Tour Sombre, serait suffisant.
A l’inverse, si le thème est le lien entre fiction et réalité, on peut conserver les péripéties autour des personnages de King et Callahan, et toutes celles qui se concentrent sur les aller-retour entre les mondes.
En faisant ce choix, on peut déjà réduire, simplifier et surtout recentrer l’histoire…
Conclusion
Je pourrais certainement soliloquer encore longtemps sur le sujet, mais il faut s’arrêter à un moment.
Pour moi, la lecture de cette série a été intéressante, parce qu’elle m’a montré les défauts structurels que pouvait avoir un premier jet : des péripéties hors sujet, des éléments qui clashent les uns avec les autres, des thèmes contradictoires et embrouillés.
En lisant la Tour Sombre, j’ai appris à les repérer, et j’ai compris certains conseils (de Truby notamment) sur le fait d’harmoniser tous les éléments d’une histoire pour qu’ils travaillent dans la même direction.
Contrairement à ce qu’avait l’air de dire Truby, je ne pense pas qu’il soit forcément nécessaire de connaitre son thème dès le départ, de choisir des symboles avant de commencer à écrire, de prévoir parfaitement tous ses arcs de personnages en fonction, mais y réfléchir pendant la phase d’édition est certainement important, sous peine de se retrouver avec une série interminable et manquant de cohérence.
J’ai dit dans mon introduction que cette série portait les défauts typiques d’un auteur Jardinier. Je vais nuancer : ce sont les défauts typiques du premier jet d’un/e pantser. (Je me doute que King a fait plusieurs jets sur chacun des romans de la série, mais pas de travail d’édition sur la structure de la série).
George. R. R. Martin, pour en revenir à lui^^, est aussi un Jardinier. Mais vu le temps qu’il lui faut pour écrire ses romans, je pense justement qu’il passe énormément de temps en réécriture. Je pense aussi qu’il a depuis le début, pas forcément une idée claire de son intrigue, mais une idée claire de ses thèmes et de son univers, ce qui lui évite de tomber dans les mêmes écueils. Par contre, tout comme la fin a été compliquée pour les scénaristes, elle risque de l’être pour Martin, s’il ne l’a pas encore prévue…
En tout cas, même si je n’ai pas spécialement aimé cette série (à part le t2, et dans une moindre mesure le t5), elle a été très instructive pour moi, et c’est déjà beaucoup !
Et vous, est-ce que vous avez lu la Tour Sombre ? Est-ce que vous êtes des fans inconditionnel/les ? Est-ce qu’il y a d’autres livres de fiction qui vous ont appris comment éditer un roman ? Dites-moi dans les commentaires !
J’avoue que je n’ai pas lu La Tour sombre, et je ne prévois pas de le faire, mais j’admire beaucoup l’audace de suggérer après coup des améliorations à une oeuvre qui suscite autant d’admiration.
En ce qui concerne King comme GRR Martin, mon sentiment a toujours été que ni l’un ni l’autre n’était aussi jardinier qu’il le prétend (aussi Explorateur selon ma terminologie). Un type comme Martin qui écrit des volumes entiers de worldbuilding annexes à son oeuvre, qui a écrit pour la télévision, qui a coordonné des ouvrages collectifs, a forcément énormément de facilité à bâtir des intrigues complexes et à planifier son écriture sur le long terme. De même, j’ai de la peine à imaginer que des romans complexes signés King comme Le Fléau ou Ça aient été improvisés sur le moment. L’un comme l’autre me paraissent surtout travailler à leur propre légende.
Flûte, ton commentaire a été classé dans les spams par mon plugin et je ne l’avais pas vu. Je ne prétends bien sûr pas donner de leçons à Stephen King, que j’admire beaucoup et qui a infiniment plus d’expérience que moi. Comme je l’expliquais, j’ai lu cette série à un moment où j’apprenais à éditer, et cette série m’a servi d’expérience de pensée, à réfléchir aux choix que moi j’aurais fait personnellement, ce qui a été assez formateur, et que j’ai eu envie de partager. Je trouve que c’est une part importante de l’apprentissage de prendre les œuvres qu’on apprécie, ou pas, et d’essayer de comprendre pourquoi, même si effectivement c’est un exercice très théorique.
Et je suis très d’accord sur le fait que c’est surement beaucoup plus facile d’être jardinier/explorateur quand on a déjà intégré les structures narratives et qu’on a l’habitude de travailler avec…
Décidément tout ça me donne bien peu envie de poursuivre cette série ^^ J’avais eu beaucoup de mal avec le tome 1 (on en avait parlé à l’époque), alors si en plus la suite continue à partir dans tous les sens et à ne répondre qu’à la moitié des questions… Bof bof. Allez, je lirai peut-être le tome 2 pour lui donner sa chance ! C’est étonnant quand même que chaque tome soit structuré de façon aussi différente et aussi inégale.
Merci en tout cas pour cette analyse !
D’après ce que Stephen dit lui-même, il n’avait pas vraiment prévu d’en faire une série, et il a écrit les tomes avec beaucoup d’écart (entre 1982 et 2004), les derniers après avoir subi un très grave accident. L’accident en particulier, dont il parle dans les derniers tomes, a du avoir un gros impact sur les thèmes de la série.
Mais oui, j’ai vraiment apprécié le tome 2^^