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Téméraire, ou l’originalité du point de vue

Je suis de retour (et pas pour vous jouer un mauvais tour^^) ! Le(s) dernier(s) mois ont été bien occupés pour moi puisque j’ai enfin déménagé dans MON appartement, au prix d’un tout petit peu de travail… Il reste encore beaucoup de choses à faire pour m’installer (j’ai une aprèm montage de meubles ikea prévue demain^^), mais au moins l’urgence est passée. Et mon ordinateur a retrouvé une connexion internet et un bureau où le poser, je suis parée…

Si je n’ai pas eu le temps (et surtout pas la bande passante mentale ) pour écrire ces derniers temps, j’ai quand même eu un peu de temps pour lire dans les transports. Et j’ai eu le plaisir de découvrir Les Dragons de Sa Majesté de Naomi Novik, premier tome du cycle Téméraire, dont j’avais beaucoup entendu parlé. C’est le seul que j’ai lu pour l’instant, il faut que j’achète la suite et je n’ai pas encore pu le faire (mais ça ne saurait tarder, je suis pressée de continuer ma lecture !).

Et non seulement j’ai beaucoup aimé ce livre, mais il m’a aussi beaucoup fait réfléchir sur la notion d’originalité…

Les Dragons de Sa Majesté

Mais, me direz-vous, de quoi ça parle ?

Le héros, Will Laurence, est capitaine d’un navire britannique, bien engagé dans les guerres napoléoniennes. Mais ces guerres napoléoniennes ont une petite particularité… Dans cette uchronie, les dragons existent et peuvent être domptés et transformés en de formidables armes de guerre pour leurs armées respectives…

Évidemment, Laurence capture un vaisseau français qui transporte…. * roulement de tambour * un œuf de dragon ! L’œuf éclot pendant le voyage de retour et le dragon choisit… * second roulement de tambour * Laurence comme « dresseur ». Laurence et Téméraire (le nom qu’il donne au bébé dragon) sont expédiés manu militari à l’école de l’aviation britannique (où ils sont bien sûr hors de leur élément, et snobés par leurs congénéres), pour se former au plus vite au combat aérien. Au passage, Laurence et Téméraire forment un lien étroit, et Téméraire s’avère être un dragon exceptionnel… Ensemble, et avec les autres dragons et aviateurs de leur unité, ils parviennent à contrecarrer les plans des vilains méchants français qui veulent envahir la Grande Bretagne…

De l’originalité

En lisant mon résumé (où j’ai volontairement forcé le trait), on pourrait se dire que le livre n’est pas très original. Le héros qui trouve une créature fantastique et se lie miraculeusement avec elle, l’école où le héros est différent et commence par être ostracisé, le caractère extraordinaire du protagoniste, etc, tout ça est bien loi d’être neuf…

Alors qu’est-ce qui fait que le livre de Naomi Novik est réellement original ?

Le contexte

Alors oui, des dragons, il y en a partout. Partout partout, dans toute la fantasy. Par contre, des dragons pendant les guerres napoléoniennes, c’est tout de suite plus neuf… (le livre a d’ailleurs probablement été vendu, autant aux éditeur/trices qu’aux client/es avec ce pitch).

Donc oui, changer de contexte, s’éloigner de l’époque médiévale européenne, est une bonne manière d’apporter un peu d’originalité à son roman. Mais ce n’est pas ce qui m’a le plus frappée dans Les Dragons de Sa Majesté, et ce n’est pas la raison de mon article (ça commence à faire un moment que l’époque médiévale occidentale n’est plus la norme absolue en fantasy).

Le point de vue

Ce qui m’a beaucoup plu dans ce livre, et inspirée pour cet article, c’est le personnage principal, et ce que son point de vue apporte de neuf à l’histoire. Effectivement, dans l’intrigue de ce roman, on retrouve beaucoup de tropes très courants dans les romans Young Adult entre autres : le protagoniste qui arrive dans une école, qui ne s’y sent pas à sa place et est initialement rejeté mais qui prouve ses capacités, en général parce qu’il ou elle a un pouvoir unique.

Remarque : ce n’est pas du tout une critique des tropes en question, ni du Young Adult, au contraire, c’est plutôt une analyse d’une œuvre qui utilise habilement ces tropes (qui existe pour une très bonne raison : parce qu’ils fonctionnent très bien) pour en faire quelque chose de neuf.

Alors qu’a de si nouveau Laurence, le héros des Dragons de Sa Majesté ?

  • Son dragon

Effectivement, Laurence sort du lot dans les Aerial Corps, mais ce n’est pas parce que lui-même est extraordinaire (même s’il est différent de plein de manières dont je parlerai ensuite), mais parce que son dragon est extraordinaire. Et quand je parle de « son dragon », Téméraire est vraiment un personnage à part entière, avec ses propres idées, son propre caractère, etc. Techniquement, par bien des aspects (âge, pouvoir, idées, etc), c’est plutôt Téméraire le héros à la sauce Young Adult que Laurence, qui serait relégué au rang de side-kick si Téméraire n’avait pas besoin de lui… L’avantage de ce choix, c’est qu’on garde le côté « extraordinaire » qui a de gros avantages scénaristiques, mais en gardant un héros qui ne risque pas de devenir agaçant parce qu’il est trop puissant, trop parfait, trop tout court.

Au passage, j’ai vraiment apprécié la relation entre Laurence et Téméraire, qui même si elle n’est pas romantique, est quand même une très belle histoire d’amour. Le côté « unique » de Téméraire passe d’autant mieux qu’on le voit par les yeux de Laurence, qui est fier de son partenaire. (Franchement, je le relirai peut-être, juste pour analyser la façon dont est construite leur relation, parce que c’est une des meilleures « romances » que j’ai lu récemment^^)

  • Son âge

Contrairement à beaucoup de héros, Laurence est plus âgé que la plupart des résidents du camp de formation des aviateurs (oui, dans le livre, les aviateurs ne conduisent pas des avions mais des dragons^^). Non seulement cela casse le cliché du héros/héroïne qui est le/la plus jeune à dompter un dragon/devenir grand mage/devenir capitaine de vaisseau spatial (rayer la mention inutile), mais cela permet de confronter plus fortement l’expérience de Laurence avec sa nouvelle vie. Laurence n’est pas un jeune orphelin qui ne connait rien à rien, c’est un homme fait, un noble, un capitaine, avec une vie, un avenir devant lui, et des idées bien précises sur son devoir et son futur (on en reparle ensuite).

Le fait que Laurence n’est pas un adolescent mais un homme mûr permet à la fois d’accentuer l’effet « poisson hors de son bocal » (puisqu’il est présenté comme très attaché et très compétent dans son ancienne vie) et de lui donner une personnalité plus marquée. Encore une fois ce n’est pas une critique des personnages adolescents, qui ont leur propres avantages (notamment de faciliter l’identification). Différents types de personnages ont différentes forces et faiblesses.

  • Son ressenti

En fantasy, il y a deux cas assez courants lorsqu’un personnage est entrainé dans un nouvel univers : soit il /elle est heureux/se de quitter sa vie déprimante de fermier/orphelin et de se découvrir de nouveaux pouvoirs, soit il/elle se retrouve dans un univers hostile dont il/elle doit se sortir à tout prix.

Dans les Dragons de Sa Majesté, c’est un peu différent. Comme je viens de le dire, Laurence a sa propre vie et son propre avenir en tant que capitaine de navire, avant d’être déraciné et de devenir aviateur. Et Laurence ne prend pas très bien les choses au départ… Il est obligé d’abandonner son poste de capitaine durement gagné, et son futur mariage avec son amour d’enfance est remis en question. Sans compter que les aviateurs sont plutôt mal vus dans la haute société, ce qui risque de le mettre en froid avec sa propre famille plutôt stricte… Mais comme je l’ai dit, le livre est presque une romance, et Laurence apprend à apprécier son nouvel univers, en grande partie grâce à son amour pour Téméraire.

  • Sa formation/éducation

Laurence est un capitaine de navire, donc un homme expérimenté, même s’il découvre tout juste le monde de l’aviation. Par exemple, il est parfaitement habitué à diriger un équipage, à donner des ordres et prendre des décisions. Il a aussi l’expérience du combat, ce qui fait de lui un héros très compétent, tout en conservant sa qualité d’outsider. Naomi Novik est particulièrement douée à présenter son univers avec l’oeil de son héros, avec les avantages et les inconvénients de son expérience. Laurence est par exemple habitué à la hiérarchie très stricte de la marine (et de la noblesse), et se trouve décontenancé devant les us très différents de son nouveau monde.

  • Ses préjugés

C’est un autre point que j’ai trouvé particulièrement intéressant dans ce roman. Laurence a du mal à s’intégrer au départ, mais c’est autant parce qu’il rencontre de l’animosité de la part de ses nouveaux collègues, que parce que lui-même a ses propres préjugés qui le poussent à se tenir à l’écart. Au départ par exemple, il ne cherche la compagnie que d’un homme qui a la même éducation que lui, avant de se rendre compte que le comportement de cet homme est loin d’être louable.

Si Laurence ne veut pas rejoindre l’aviation, c’est aussi à cause de la réputation de dépravation de ses membres. Réputation qui se vérifie dans le roman puisque, oh mon dieu, les femmes ne sont pas tenues à se marier, mais peuvent tout de même avoir des enfants hors mariage… Plaisanterie à part, j’ai trouvé très intéressant de voir un personnage changer petit à petit de point de vue au cours du roman. La fiction est pleine d’héroïnes rebelles ultra en avance sur leur temps, et qui détestent la broderie (alors que c’est très bien la broderie !), mais je trouve aussi intéressant de voir des personnages qui se conforment aux coutumes de leur époque (ce que font la très grande majorité des gens), mais dont l’opinion évolue parce qu’ils ou elles se retrouvent confrontés à des idées nouvelles…

Un autre type « d’originalité »

Parmi les conseils qui reviennent souvent, on trouve la notion que « l’idée » d’un roman ne vaut pas grand chose, et que c’est l’exécution qui compte. C’est un concept qui échappe souvent aux débutant/es.

Bien sûr, Les Dragons de Sa Majesté a une bonne part d’originalité, en particulier sur le contexte, l’idée des dragons en tant que force aérienne, partie prenante des armées au même titre que la navale par exemple. Mais ce que j’ai surtout apprécié dans ce roman, c’est le point de vue de son personnage. J’ai eu du mal à faire des catégories dans mon point précédent, parce que chacune d’entre elles étaient liées. L’expérience de Laurence, son éducation sont à la base de ses réactions à son nouveau statut, son nouvel univers, et c’est sa relation avec Téméraire qui le fait évoluer. Et c’est ce qui fonctionne si bien. Laurence (et Téméraire) est un personnage complet, qu’on prend plaisir à suivre, et dont on comprend les motivations. Et surtout il nous fait vivre une aventure totalement différente de celle d’un autre personnage dans les mêmes circonstances.

Et c’est ça qui fait la vraie originalité du roman.

Et vous, est-ce que vous avez lu Naomi Novik ? Est-ce que vous avez apprécié ? Est-ce qu’il y a d’autres livres qui vous ont marqué pour leur point de vue ? Dites-moi !

2 réflexions au sujet de “Téméraire, ou l’originalité du point de vue”

  1. Téméraire, je l’ai depuis au moins une grosse dizaine d’années. Je me souviens l’avoir lu plusieurs, au moins 4 je dirais. Mais ça fait longtemps, alors j’écris de mémoire. C’est vrai qu’il est bien mené, et que les personnages sont bien construits et attachants. Il y a effectivement une bonne progression, de Lawrence notamment, Téméraire beaucoup moins, vu qu’il raisonne souvent comme un chiot je trouve.
    La série Téméraire fait partie des séries « voyage » où chaque tome se déroule à un endroit totalement différent. J’en avais lu 3/5 je crois, mais la suite m’a moins marqué.

    1. Merci pour ton commentaire ! Je suis curieuse de voir la suite, mais comme je viens d’attaquer le Pendule de Foucault d’Umberto Eco (un gros morceau…), je pense que ce ne sera pas avant un moment^^. Le côté « voyage » m’intéresse, au moins ça garantit un certain renouvellement tout au long de la série.

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