Comme vous le savez peut-être, j’aime bien profiter de mon blog pour parler d’autres médias et essayer d’en tirer des leçons applicables à notre art. Ça me permet aussi de parler de choses que j’aime bien, et c’est plutôt pratique…
Cette semaine, je vais innover et vous parler… d’une émission de télé-réalité. Si si, il y a des choses à apprendre de la téléréalité ! (Et en plus c’est une émission avec des drag queens, how shocking !)
Présentation :
Titre : RuPaul’s Drag Race
Genre : Émission de téléréalité (concours de talent)
Langue : Anglais
Diffusion : chaine VH1, disponible sur Netflix
Saisons : 10 (saisons 6 à 9 sur Netflix) + 3 saisons « All Stars »
Le concept :
RuPaul’s Drag Race est un concours de talent, un peu à la façon de The Voice. Enfin, j’imagine, je n’ai jamais regardé The Voice, je me suis arrêtée à la Star Academy saison 2, je suis un peu rouillée niveau téléréalité. La différence la plus frappante étant qu’il ne s’agit pas d’un concours de chant, mais d’élire la meilleure drag queen de la saison.
Une drag queen est une personne qui se construit une identité féminine, souvent exagérée ou tirée volontairement d’archétypes, de façon temporaire. Le fait de s’habiller en drag queen peut être un moyen d’expression personnelle mais aussi une activité artistique, incluant chant, danse, lip-sync, stand-up, imitation, etc. Une drag queen n’est pas forcément une personne transgenre, ce n’est pas non plus une indication de son orientation sexuelle. (Disclaimer : cette définition a été honteusement pompée des pages françaises et anglaises de Wikipédia)
A chaque épisode, les participantes sont soumises à différents défis, culminant par un défilé sur le podium. A la fin du défilé, une équipe de juges (dont RuPaul, la drag queen qui donne son nom à l’émission) désigne la gagnante de l’épisode, et deux drag queens qui devront s’affronter sur un play-back pour déterminer celle qui quittera l’émission.
Les défis peuvent être assez variés : conception de tenues sur des thèmes donnés, chorégraphie, chant, danse, concours d’imitations, humour, jeu d’actrice, etc…
Pourquoi j’aime cette émission :
- Danse, robes et paillettes :
Il y a de supers chorégraphies, et surtout des robes magnifiques, dont on voit même la conception… Et que voulez-vous, moi j’aime bien les belles robes ^^. Ce n’est sans doute pas la seule émission, mais c’est une des premières où je n’ai pas envie de mettre avance rapide dès qu’un juge pointe le bout de son nez ou dès qu’on voit les coulisses.
- Le message :
Ce qui m’a frappée en regardant RuPaul’s Drag Race, c’est qu’il s’agit véritablement d’un concours de talent. Ce sont des personnes qui sont censés faire tout leur possible pour ressembler à des femmes (tout en accomplissant des performances artistiques incroyables, sur tout un éventail de disciplines), mais leur féminité n’est pas jugée sur les critères classiques qu’on utilise pour juger les femmes. Ce ne sont pas forcément les candidates les plus jeunes qui gagnent, ni les plus minces, ni les plus traditionnellement belles. Même si certaines candidates pourraient effectivement poser dans des magazines (et le font), comme Violet Chachki et ses corsets minuscules ou Naomi Smalls et ses jambes immenses (oui, je suis jalouse ^^), elles ne sont pas particulièrement valorisées par rapport aux autres. Le style, la personnalité et le talent sont mis en avant, et tous les styles de beauté féminine sont valorisés (alors que par exemple, chez les Miss France, la beauté commence à 1m70…).
- L’univers :
Avant de regarder RuPaul’s Drag Race, je ne connaissais absolument rien au monde des drag queens, et j’adore découvrir ce que je ne connais pas. C’est une culture à part entière, avec son propre vocabulaire, ses célébrités et modèles, ses courants artistiques, etc… Et puis au passage peut-être que j’arriverais à glaner deux ou trois notions de maquillage…
Ce que j’en retire en tant qu’autrice :
- Le pouvoir de la représentation :
J’ai déjà écrit à plusieurs reprises sur ma conviction que les auteur.trice.s et artistes en général avaient un réel impact sur la société, en particulier via la représentation (positive, négative ou juste inexistante) de certaines catégories de personnes. L’art entretient l’imaginaire collectif et a une certaine propension à vous faire ressortir des clichés sexistes, racistes, etc, même si vous avez les meilleures intentions du monde.
En regardant RuPaul’s Drag Race, j’ai pu toucher du doigt à quel point la simple représentation dans les médias peut avoir un impact sur les mentalités. C’est une collègue qui m’a parlé de cette émission (et je l’en remercie !). Elle était très enthousiaste, et je suis toujours curieuse, j’ai donc regardé, pour voir, même si la notion de « téléréalité » a tendance à lever quelques barrières chez moi. Et au départ, ces hommes maquillés et habillés en femmes, c’était « bizarre » pour moi. Ce n’était pas du dégout ou du rejet, simplement quelque chose d’un peu étrange et dissonant. Ça a été le cas pendant environ un épisode, peut-être deux. Après ça, voir un homme maquillé et vêtu en femme a perdu son étrangeté pour devenir beau et impressionnant artistiquement. C’était simplement quelque chose que je n’avais pas l’habitude de voir, et environ 40 minutes d’émission ont suffit pour modifier ma réaction première de… disons surprise. Ce qu’on considère comme la « norme » n’a rien à voir avec une valeur morale, c’est une simple question d’habitude.
C’était une expérience remarquable, et ça ne fait que renforcer ma conviction qu’il est vraiment important de varier les profils et de mettre sous les feux de la rampe des personnages qu’on n’a pas l’habitude de voir puisque 1) ça a un vrai impact sur la vie de personnes bien réelles et 2) c’est vachement plus original et intéressant pour les lecteurs !
J’aimerais inclure un personnage transgenre dans mon prochain roman. Ce ne sera pas forcément facile de le faire correctement (et d’ailleurs n’hésitez pas à me signaler dans les commentaires si je dis des bêtises dans cet article !), mais ça vaut le coup d’essayer…
- Surmonter ses défauts :
RuPaul’s Drag Race est une émission de téléréalité, il est donc difficile de savoir ce qui est authentique et ce qui est volontairement mis en avant par un montage particulier ou simplement soufflé aux candidates. RuPaul’s Drag Race ne manque d’ailleurs pas de « drama ». Si c’est quelque chose que vous appréciez, vous serez ravi.e.s (moi, je suis un peu Bisounours, j’aime bien quand tout le monde s’aime et que tout le monde s’entraide, même si c’est une compétition).
Même si tout est 100% authentique, les drag queens sont de toute manière des personnages créés et développés par les personnes qui les jouent. Il s’agit de personnes qui se créent un alter ego féminin pour leur performance artistique. Il y a donc bien une notion de « personnage ».
En regardant plusieurs saisons, on se rend compte que celles qu’on a envie de voir gagner (bien sûr chacun.e ses chouchoutes, c’est le principe des concours de talents), ce ne sont pas forcément celles qui sont les plus parfaites au départ, mais celles qui ont du potentiel et des défauts à surmonter. Dans la saison 6, je n’avais pas envie de soutenir Courtney Act, qui pourtant était extrêmement professionnelle, une excellente chanteuse et danseuse avec une carrière en tant que telle, mais plutôt Adore Delano, beaucoup moins pro, jamais impeccable, mais qui faisait des efforts fous pour s’améliorer. J’ai constaté la même chose dans les saisons suivantes : que ce soit dans la vraie vie ou dans les romans, l’humain est attiré par les histoires de progressions. Les histoires de personnes qui surpassent leurs propres faiblesses pour atteindre leur objectif. Même dans la téléréalité, c’est ce qu’on recherche : voir les gens évoluer.
C’est une leçon classique : ne pas oublier de donner des défauts à ses personnages et de les forcer à évoluer, mais c’est amusant de le voir illustrer dans un autre média…
- Surmonter les obstacles :
C’est une autre facette du point précédent. Non seulement il est fascinant de voir ces drag queens surmonter leurs défauts : leur timidité, leur peur d’échouer et de décevoir, leurs problèmes relationnels, leur difficulté à baisser leur garde, mais c’est aussi inspirant de voir les obstacles qu’elles ont surmonté (inspirant, et souvent réellement horrifiant).
Pendant les moments « en coulisse » où elles se préparent, les participantes partagent parfois leurs parcours. Et beaucoup ont vécu des expériences traumatisantes : rejet par leur famille parfois à l’adolescence pour leur orientation sexuelle, envoi dans des camps de rééducation, pertes de proches de maladie ou pendant la fusillade d’Orlando… On pourrait reprocher à l’émission de faire dans le pathos, mais cela rappelle aussi à quel genre de discrimination et de violence on peut être soumis pour son orientation sexuelle.
Les participantes de l’émission ne sont pas seulement des « personnages », ce sont aussi des artistes (danseuses, chanteuses, actrices, humoristes, stylistes, etc) et des artistes discriminées à cause de leur art. Alors finalement, écrire un livre ce n’est pas si dur à côté, non ?^^ (je sais, c’est pas un argument..)
Voilà, RuPaul’s Drag Race, c’est un de mes plaisirs coupables (ou non), et d’ailleurs je l’ai utilisé comme récompense : un petit épisode si j’avais bien travaillé…
Et vous, vous connaissez RuPaul’s Drag Race ? Vous aussi vous aimez les robes incroyables et l’humour acerbe ? Dites-le nous dans les commentaires !
hello,
antoine m’a envoyé ton article comme il sait que je suis moi-même amatrice de RuPaul
Plusieurs corrections à apporter sur ton article >
Sur le nombre de saisons > il y a 10 saisons + les saisons de « all stars » + untucked
Après sur les choses comme tu les présentes > c’est vraiment problématique comment transpersonnes / personnes travesties (et drag queen) sont mélangées dans ton article
On se demande même pourquoi tu mentionnes ça
L’émission est en effet une émission de représentation Queer / LGBTQUIA > ce sont des Personnes Artistes. Pas besoin de mentionner leur genre. Il serait chouette par ailleurs de ne pas parler de « normal » « normalité ». C’est pas parce que tu mets des guillemets que ça rend plus légitime.
Sur le « iels ne sont pas jugé-es selon les mêmes critères » > dans les commentaires des juges il est tout le temps référence justement au « passing » qu’iels peuvent avoir, les costumes sont fait des courbes, de chose « à la mode », les maquillages etc. Les critères sont au contraire très attachés aux stéréotypes féminins.
Aussi, si pour certain-es leur personnage s’arrête à la porte des club/théâtre, certain-es des compétiteurices ne font pas du drag que pour l’art, mais sortent dans la rue en Drag. Ce n’est pas du travestissement au sens propre où on peut l’entendre « mettre des vêtements appartenant à un autre genre que le sien ».
Je ne sais pas si tu regardes en français ou en anglais, mais des remarques souvent vont justement vers « attention de n’être pas costumy » et parlent des tendances et des courants de drag > ce n’est pas du costume-déguisement, ce n’est pas non plus du travestissement.
Attention aussi quand tu fais référence à leurs voix (mais peut être est-ce la VF ?) ce sont leurs vraies voix. Ce ne sont pas des « hommes dans des tenues outrancières » (< ce qui est sexiste, et putophobe) mais des drag queens. Ce sont leurs tenues, leurs voix, leurs corps.
Voilà j'espère que tu modifieras ;
Merci beaucoup pour ta réponse ! Voilà donc une parfaite illustration de ce que je disais : on peut écrire des choses problématiques, même en étant plein.e de bonnes intentions…
Pour ce qui est du mélange entre transpersonne et drag queen, je voulais expliquer que ce n’était pas la même chose (je ne sais pas si c’est une distinction évidente pour tout le monde), mais je l’ai fait maladroitement et pas forcément à propos.
Pour ce qui est des critères de jugement, je ne voulais pas dire que ce n’était pas des critères féminins, simplement souligner que les juges ont une conception de la beauté féminine qui n’est pas monolithique: toutes les morphologies et tous les types de beauté sont mis en avant. Et ça fait plaisir^^.
Je vais faire de mon mieux pour corriger tout ça (et mes lecteur.trice.s pourront se référer à ton commentaire là où j’aurais échoué^^)…
Bonjour ! J’avais déjà entendu parlé de cette émission par ma collègue/amie américaine. Elle est totalement fan et est triste d’avoir déjà fini toutes les saisons. Elle m’a dit plusieurs fois que je devrais la regarder. Mais comme toi, je plisse le nez dès que j’entends télé-réalité. Je n’aime pas le voyeurisme et m’y adonner. Mais je suis très intriguée voir fascinée par le monde des dragqueens que je connais peu. Avec ce deuxième avis très positif, je vais peut être enfin me laisser convaincre 🙂
Super, ravie que ça t’ai donné envie^^
J’adore RuPaul’s Drag Race ! 😀 J’ai vu les saisons 6 et 7 et, comme pour toi, ça a été une découverte assez frappante. C’est une amie qui me l’avait recommandée, j’avais été un peu perplexe devant le pitch au départ mais dès les premiers épisodes j’ai vraiment bien accroché, je me suis attachée aux participant(e)s (Adore Delano !) et ça m’a fascinée de découvrir un univers que j’ignorais complètement.
Après, j’ai bien l’impression qu’une bonne partie du « drama » est scriptée, il y a des réactions caricaturales qu’on retrouve d’une saison à l’autre et d’un épisode à l’autre comme par hasard … Mais bon, ça n’enlève rien à ce qui fait dans le fond le charme de la série : comme toi (encore) j’adore les costumes incroyables et je suis très touchée par les moments où les participant(e)s évoquent leur histoire personnelle, leur famille, etc.
Bon, ceci étant dit je vois encore assez mal comment caser RuPaul dans un roman de fantasy ^^ MAIS c’est intéressant déjà de se poser la question !
Ma collègue m’a dit qu’il y avait encore plus de « drama » et de discussions dans la partie « Untucked », mais je n’ai jamais regardé, vu que ce n’est pas sur Netflix. Mais je préfère de toute manière l’aspect « talent » de l’émission (comment peut-on à la fois danser, jouer, concevoir des tenues et faire de l’humour aussi bien ?!^^)