Utile ou pas ?

Faut-il lire The Psychology Workbook for Writers ?

Cette semaine, je vous propose un nouveau livre théorique sur l’écriture (malheureusement en anglais) : The Psychology Workbook for Writers. En tant qu’autrice, j’ai déjà lu quelques livres de psychologie, parce que je trouve intéressant d’avoir des bases dans cette discipline pour mieux écrire mes personnages (j’ai d’ailleurs posté un article sur la théorie des Big Five, qui s’intéresse aux traits de personnalité). Et visiblement, je ne suis pas la seule à trouver cela utile, puisque Darian Smith a écrit ce livre expressément pour présenter de manière simplifiée un certain nombre de théories aux auteurices intéressé.e. Je l’ai donc lu, pour répondre à la grande question :

Alors, utile ou pas ?

Mais pour commencer voici quelques informations utiles…

Titre original : The Psychology Workbook for Writers : tools for creating realistic characters and conflict in fiction

Titre traduit (par moi-même) : Le Cahier de Psychologie pour Auteurs : des outils pour créer des personnages et conflits réalistes dans la fiction

Auteur : Darian Smith

Langue : Anglais

Parution : 2015

Sujet/objectifs : Résumer des théories de psychologie applicables à la création des personnages et à l’élaboration de conflits pour ces personnages

The psychology workbook for writers, de Darian Smith

Résumé et concept

Le concept est très simple : Smith résume et explique 11 théories, en reprenant systématiquement le même format : 

  1. Présentation de la théorie
  2. Un ou plusieurs exemples de fiction illustrant la théorie en question
  3. Une série de questions à se poser sur ses personnages, en rapport avec la théorie
  4. Une série de questions à se poser sur son intrigue, en rapport avec la théorie

Darian Smith propose aussi quelques ouvrages complémentaires pour chaque théorie, pour creuser un peu plus le sujet.

Je ne vous liste pas l’intégralité des théories, parce que j’aurais beaucoup de mal à les résumer en une seule phrase chacune, mais elles touchent des domaines aussi divers que le deuil, la communications dans les relations amoureuses, les modes de gestion de conflits, les pathologies mentales ou l’influence des parents et de la famille sur la construction de la personnalité. Dans la section suivante, j’ai choisi trois théories que je vous détaille un peu plus en détail.

The Psychology Workbook for Writers en 3 idées

Le scénario de vie

Le scénario de vie est un concept de l’analyse transactionnelle. D’après cette idée, chaque personne conçoit sa vie autour d’un « scénario de vie », c’est-à-dire une vision du monde bien spécifique. Chaque personne agira donc en fonction de cette vision du monde, se verra confirmée par tous les événements qui corresponde à cette vision du monde et tendra à ignorer les autres.

Par exemple, une personne qui souscrit au scénario « jamais » pense que quoi qu’elle fasse, elle n’atteindra jamais ses objectifs, c’est la description du scénario. Elle pourra donc avoir tendance à ne même pas essayer (puisqu’elle est persuadée que ça ne marche pas de toute manière), ce qui renforcera d’autant plus sa vision du monde. En dehors de cela, elle aura tendance à ignorer ou réduire les succès rencontrés en chemin. Le scénario a donc tendance à s’autorenforcer.

Voici un certain nombre de scénarios possibles (ce n’est a priori pas une liste exhaustive) :

  • Jusqu’à : la personne pense que rien de positif ne peut se produire avant un événement négatif (il faut avoir mérité l’événement positif)
  • Après : la personne est persuadée que tout événement agréable se paiera plus tard
  • Jamais : la personne pense qu’elle n’obtiendra jamais ce qu’elle désire 
  • Toujours : la personne pense qu’elle est condamnée à une situation négative qui se reproduit toujours (soit parce qu’elle ne fait rien pour lui échapper, soit parce qu’elle choisit à nouveau une situation similaire)
  • Presque : la personne n’atteint jamais vraiment ses objectifs, soit parce qu’elle s’arrête avant, soit parce qu’elle déplace l’objectif toujours plus loin
  • Sans but : la personne ne sait pas ce qu’elle veut faire après un certain point fixe dans le temps

Ce scénario est souvent fixé dans l’enfance, et difficile à remettre en question. 

En terme d’écriture, choisir un scénario pour un personnage permet de déterminer son comportement dans des situations données et de transmettre des informations sur sa vision du monde, sans se limiter à la décrire. Par ailleurs, il est facile de créer un conflit pour un personnage en remettant en question le scénario en question.

Les langages de l’amour

Dans toute relation, et en particulier les relations amoureuses, la communication est un ingrédient majeur de réussite (ce n’est pas pour rien que beaucoup de comédies romantiques ont pour conflit principal un malentendu, qu’un minimum de communication pourrait résoudre en un clin d’oeil…).

Mais il existe différents moyens de communiquer son affection, différents « langages », chaque personne priorisant certains langages par rapport aux autres :

  • Les mots : la personne déclare simplement son affection, mais aussi complimente l’autre, l’encourage, etc
  • L’affection physique : la personne s’exprime par le contact physique : calins, baisers, etc
  • Les cadeaux : celui-ci s’explique tout seul^^
  • Le temps : la personne préfère passer le plus de temps possible avec la personne aimée
  • Les actions/services : la personne exprime son affection par des attentions, par exemple lui préparer le déjeuner, ou s’assurer que sa serviette soit chaude à la sortie de la douche, etc

Si dans une relation, les attentes et expression d’affection des membres sont en décalage, cela peut provoquer des tensions et des insatisfactions (le mari qui couvre sa femme et ses enfants de cadeaux en étant toujours absent par exemple est un grand cliché dans le cinéma).

A l’opposé des langages de l’amour, il existe ce que Darian décrit comme les « quatre cavaliers » de la mauvaise communication :

  • la critique : quand la personne critique l’autre personnellement au lieu de cibler un comportement spécifique
  • le mépris
  • l’attitude défensive : refus d’accepter la critique, ou renvoi à l’envoyeur.se de la critique
  • le silence

En tant qu’auteurice, le décalage entre les langages de l’affection peut être utilisé pour créer un conflit dans une relation, de la même manière qu’un ou plusieurs des « quatre cavaliers » peuvent être utilisé pour illustrer les difficultés de communication ou pour augmenter encore le conflit.

Les styles de gestion de conflit

Il existe trois styles différents de gestion des conflits :

  • la soumission : la personne va abandonner sa position pour mettre fin au conflit 
  • la logique : la personne va tenter de raisonner avec la partie adverse pour remporter le conflit
  • la colère : la personne va réagir au conflit par la colère (logique^^)

Chaque personne peut utiliser ces trois styles de gestion de conflit selon les situations, mais en général toujours dans un ordre donné, et à différents niveaux d’intensité.

Une personne n’utilise son dernier niveau qu’en dernier recours, et donc de manière plus importante. Cela signifie par exemple qu’une personne qui n’utilisera la colère qu’en dernier recours sera beaucoup plus violente dans sa colère qu’une personne dont c’est le style principal.

En tant qu’auteurice, choisir les différents styles de gestion de conflit pour un personnage permet à la fois de faciliter la détermination de sa réaction dans la plupart des situations, tout en lui donnant plus de profondeur en lui permettant de réagir différemment dans des circonstances plus extrêmes par exemple.

Les Moins 

Je n’ai pas beaucoup de négatifs à lister pour ce livre, la principale raison étant peut-être que je n’ai pas les connaissances suffisantes pour avoir une vision critique justifiée du contenu. Cependant, j’ai quelques remarques et doutes.

  • Choix des théories

Malheureusement, comme je le disais plus haut, je n’ai pas forcément assez de connaissances pour pouvoir apporter une critique solide du contenu. Je peux seulement remarquer certaines choses d’après mes connaissances actuelles. La première chose que je remarque, c’est qu’un certain nombre des notions qu’il présente sont basées sur l’analyse transactionnelle (je me base aussi sur la liste des ouvrages qu’il propose en lecture complémentaire). Or l’analyse transactionnelle n’est qu’une théorie parmi d’autres (j’avoue que je ne sais pas quelle est sa prévalence en psychologie). Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression que l’analyse transactionnelle est sa théorie de prédilection, et qu’il n’en présente pas forcément d’autres, alors qu’elles pourraient être intéressantes.

Par exemple, je sais qu’il existe une méthode thérapeutique appelée la Schémathérapie, que j’ai découverte récemment par le biais d’une chaine Youtube et qui est très intéressante en terme d’écriture (entre autres parce qu’elle recoupe fortement les concepts de « Mensonge » comme peuvent l’utiliser K.M Weiland ou John Truby). Tellement intéressante que je pensais avoir déjà écrit un article dessus, et il semblerait que non^^. En tout cas, il ne fait aucune référence à cette théorie.

Il ne fait pas non plus de référence à la théorie des Big Five, en terme des caractérisation de la personnalité, choisissant plutôt de parler de Myers-Brigg, et dans ce cas précis, je sais que Myers-Brigg n’a pas tellement de poids en psychologie (même si cette caractérisation est très utilisée dans le monde de l’écriture), alors que la théorie des Big Five est une des mieux reconnues par la communauté scientifique.

Disons donc que je ne suis pas sûre, parce que je n’ai malheureusement pas les connaissances, mais j’ai quand même la suspicion que Davian Smith ne donne pas un panorama complet mais plutôt une sélection orientée par rapport à sa propre pratique. Si des professionnel.le.s lisent son livre, n’hésitez pas à confirmer/informer cette suspicion ! Ce n’est pas forcément non plus un problème majeur, il ne prétend pas donner une vision exhaustive des théories actuelles en psychologies, simplement une sélection qui lui parait pertinente.

  • Un peu court

Le livre ne compte que 84 pages sur ma liseuse. Bien sûr, sur un livre aussi théorique, il vaut mieux ne pas s’aventurer dans le millier de pages, sous peine d’assommer son public, mais j’aurai malgré tout aimé, soit un peu plus de détails dans les théories présentées, soit quelques théories supplémentaires… Et j’avoue ne pas me souvenir combien j’ai payé l’ebook, mais ça peut effectivement être un critère lors de l’achat.

Les Plus

  • Clair et efficace

Les théories sont très bien expliquées et vulgarisées, dans un format facile à lire et à absorber pour les novices (« pour les nuls » d’après la populaire franchise). 

  • Atteint son but

L’objectif de Darian Smith n’est pas seulement de vulgariser la psychologie, mais surtout de présenter des théories qui puissent être utilisées pour construire des personnages et des intrigues crédibles et multi-dimensionnels. Grâce à ses choix et aux exemples qu’il donne pour illustrer, il est plutôt facile de voir comment mettre à profit les informations qu’il transmet. Et si c’est votre façon de travailler (ce n’est pas la mienne et j’ai presque entièrement sauter ces parties-là), les listes de questions à se poser sur son intrigue et ses personnages pourront vous donner plein d’idées nouvelles, et vous aider à ajouter de la profondeur et du réalisme à vos personnages.

Ce que j’en retiens

J’ai été amusée de trouver dans ce livre une théorie à laquelle j’étais plus ou moins parvenue par moi-même en lisant d’autres livres. C’est une théorie à propos des troubles psychologiques qui suppose que la plupart des troubles ont à leur base des mécanismes qu’on retrouve à des degrés divers chez des personnes saines, et que la pathologie est une question de degré. La pathologie ne survient que lorsqu’on se trouve à un degré qui impacte la vie de la personne ou de son entourage (encore une fois je ne suis pas spécialiste, j’espère que je ne dis pas de bêtises ici).

Globalement j’ai été intéressée par toutes les théories décrites, mais je ne sais pas à quel point je saurai les appliquer individuellement sans reprendre mes notes…

Conclusion : faut-il lire The Psychology Workbook for Writers ?

Si vous lisez l’anglais et que le sujet de la psychologie vous parait intéressant, vous pouvez tout à fait lire ce livre, il est clair et bien vulgarisé, et ni trop long ni trop ardu pour les novices. Si vous appréciez ce genre de choses, les questionnaires à la fin de chaque théorie vous aideront sans doute à étoffer vos personnages et à les rendre plus vivants.

Par contre, ne vous attendez pas à un cours d’écriture sur la création de personnages, ni à une introduction exhaustive à la psychologie. 

Il s’agit simplement d’un recueil de théories intéressantes à appliquer à la caractérisation des personnages, qui atteint efficacement son objectif de vulgarisation. Si ça vous intéresse, n’hésitez pas à le lire, et à nous dire ce que vous en pensez dans les commentaires !

2 réflexions au sujet de “Faut-il lire The Psychology Workbook for Writers ?”

  1. C’est super intéressant ! Je ne connaissais pas la première théorie que tu évoques. Et j’avais entendu parler des langages de l’amour, mais je ne pensais pas du tout à l’appliquer à des personnages. J’ai tendance à beaucoup utiliser le MBTI, même si je sais qu’il n’est pas exemplaire.

    Je crois que je vais ajouter ce liste à ma liste – même si elle est déjà interminable ^^

  2. Le MBTI est tout à fait pertinent quand on connaît bien, et tous les articles qui le critiquent sont superficiels et sont passés à côté. En fait la critique a lieu quand on part du principe que le test doit nécessairement donner le bon résultat, mais c’est pas le cas pour d’autres trucs comme le TDAH ou même le QI pour dire si on est HP ou non, ça donne juste une indication.

    Je serais pas étonnée que le MBTI soit autant critiqué parce qu’il a été créé par des femmes, honnêtement.

    Selon les types, les zones du cerveau ne montrent pas le même genre d’activité… Mais les critiques n’en savent rien, ils s’arrêtent au test et ils critiquent.

    Sans grande surprise je connais très bien le MBTI, les fonctions cognitives, l’ennéagramme, et je les utilise bien sûr pour mes personnages. 🙂

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.