J'y travaille

Pourquoi écrire ?

Cette semaine, j’attaque la grosse question existentielle : pourquoi écrire ? Pourquoi tant d’efforts et de travail, pourquoi noircir page après page d’un texte que personne ne lira peut-être ? Pourquoi ?

Pourquoi écrire ?

Pourquoi cette question ?

Je suis comme ça moi, je pose une question, et avant même d’y répondre je me demande pourquoi je me pose la question…

Mon envie d’écrire sur le sujet provient en partie d’un article et d’une vidéo que j’ai lus/vus récemment :

cet article d’Astrid de l’Astre et la Plume qui décrivait l’évolution de sa relation à l’écriture au cours des années et qui interrogeait ses lecteur.trice.s sur ce que représente l’écriture, et la vidéo de Léa du Bazar de l’Imaginaire qui pose la question cash : à quoi ça sert d’écrire ?

 

Dans les deux cas, j’ai trouvé leurs réponses passionnantes. Je pense que le rapport à l’écriture est très personnel, chacun à ses propres raisons, ses propres motivations, et je suis toujours curieuse de connaitre celles d’autrui. J’avais aussi envie d’essayer de répondre pour moi-même.

Mais de toute façon, cette question, elle me trottait déjà dans la tête, et de manière moins plaisante. Fin mai, j’ai envoyé le manuscrit de mon premier roman à mes bêta-lecteurs et j’étais toute excitée. Après 7 ans à parler d’écriture autour de moi (pas beaucoup, ça ne fait pas si longtemps que j’assume, j’ai toujours du mal à ne pas mettre de guillemets quand je parle de mon « roman » ^^), j’avais enfin quelque chose à montrer ! J’avais donné début septembre comme deadline, et j’ai commencé à recevoir des réponses en août. Et là c’est le drame…

Ne vous inquiétez pas, toutes les réponses que j’ai reçues étaient très courtoises, constructives et tout, exactement ce que j’avais demandé… Mais mes lecteurs ont trouvé des problèmes. Rien de catastrophique, rien que des choses normales en soi : il y a forcément des problèmes, c’est exactement pour ça qu’on utilise des bêta-lecteurs, pour les trouver.

Je sais tout ça, au niveau rationnel, je le sais parfaitement, j’ai même écrit un article dessus ! Malheureusement, l’humain n’est pas entièrement rationnel, et surtout pas moi. Si mon esprit rationnel, celui qui a un diplôme d’ingénieur et tout, a parfaitement intégré que je recevais une quantité tout à fait normale, attendue et constructive de critiques, une partie de moi était juste morte de honte de n’avoir pas écrit un truc parfait, et d’avoir forcé de pauvres gens à lire cette horreur. Envie de me cacher sous mon lit avec le chat, et ne plus jamais ressortir de là-dessous. Et surtout pas pour écrire !

Et c’est là que se pose la question, une question vraiment sérieuse. Pourquoi j’écris ? J’ai passé plusieurs centaines d’heures sur ce roman, et j’en ai retiré plusieurs semaines de mal-être bien réel. Il me reste encore une quantité énorme de boulot pour intégrer les retours de mes bêta-lecteurs, et – folle que je suis ! – j’ai commencé à réfléchir au prochain roman que j’aimerais commencer en novembre. Est-ce que je veux vraiment me lancer là-dedans ?

Voilà à quoi ça sert de se poser la question : à pouvoir répondre dans les moments difficiles…

 

Ce que l’écriture n’est pas pour moi

Ce n’est pas un plan de carrière

Vivre de l’écriture n’est pas dans mes projets à court terme. Évidemment, si mon roman devient le prochain best-seller et qu’on me couvre de millions, peut-être que je quitterai mon travail pour accomplir mon rêve : suivre éternellement des études, et écrire en cours jusqu’à la fin de mes jours. Oui, j’ai des rêves bizarres, mais j’adore apprendre des trucs, c’est pas ma faute.

Mais sinon, j’ai un métier qui me plait, un métier stable et assuré dans lequel je pense être plutôt douée, avec un salaire confortable à la fin du mois, des conditions de travail plutôt agréables et des horaires tout à fait raisonnables. Et je n’aime pas l’incertitude. Je détesterai ajouter la peur de me ruiner en me plantant sur mon prochain roman à toutes les difficultés de l’écriture. J’aime bien avoir des collègues, travailler en équipe. Et je soupçonne que mon boulot me manquerait.

Ce n’est pas une compulsion

Il y a sans doute des gens qui ne peuvent pas se passer d’écrire, mais moi, ça va ^^. J’y ai parfaitement réussi pendant plusieurs années. Et même quand j’écris, je le fais plutôt par plages intenses d’un mois ou deux. Le reste du temps, j’arrive très bien à faire autre chose. Comme prendre mon mois d’août pour faire la dernière extension de WoW avec ma moitié (c’est important d’avoir des activités de couple !)…

Ce n’est pas une passion

C’est peut-être triste à dire, mais je ne suis pas quelqu’un de passionné. Je fais plutôt partie de la catégorie des « touche-à-tout » que des passionnés. Je suis capable de voir l’intérêt dans toutes les activités, tous les styles de musique, etc. D’ailleurs j’ai fait une école d’ingénieur généraliste, pour ne pas choisir de spécialisation (rappelez-vous, je veux tous les diplômes de la Terre…). Et je travaille dans la prestation en informatique, où je peux découvrir des tonnes d’activités différentes (les assurances, la législation de la création d’entreprise, le risque financier dans le leasing automobile, la répartition des droits audiovisuels, etc…). Je suis très admirative des gens qui sont « fans » de quelque chose ou quelqu’un, qui sont vraiment passionnés, mais c’est quelque chose de très éloigné de moi. Peut-être une forme de cynisme de ma part aussi, un excès de relativisme.

 

Ce que l’écriture représente

Ma part créative

J’ai eu du mal à choisir ma voie professionnelle, parce que j’étais une scientifique parmi les littéraires, et une littéraire parmi les scientifiques. Mon travail actuel est clairement du côté de la logique et de la résolution de problèmes, et c’est quelque chose qui me plait énormément. Mais mon côté créatif à lui aussi besoin de s’exprimer, et ce n’est pas toujours évident dans la conception de systèmes informatiques. Écrire un roman, c’est une façon d’exprimer cette part de mon identité, celle qui adore imaginer des choses, raconter des histoires ou même juste inventer des slogans débiles et écrire des tests psychologiques humoristiques pour le journal de mon école… J’aime écrire, j’aime ça depuis que j’ai découvert les rédactions au collège.

Un besoin, parfois

Écrire n’est pas un besoin vital pour moi, je peux m’en passer pour de longues périodes de temps. Mais parfois, quand ça ne va pas et qu’on est plutôt introvertie comme moi, il y a des choses qui doivent sortir et l’écriture est certainement une des meilleures façons de le faire. En tout cas, une des « moins pires ». La plupart des textes que j’ai écrit pendant mes années lycée et prépa étaient de cette nature : un exorcisme sur papier de ce qui me rongeait à cette époque. Ce sont des textes qui n’ont qu’assez peu de qualités littéraires et que je ne voudrais pas publier même si j’en avais la possibilité, mais c’était des textes nécessaires. Mon premier roman est bien sûr lui aussi une expression (beaucoup moins concentrée) de questions qui me préoccupent. Une façon comme une autre de faire sa thérapie…

Une excuse parfaite pour apprendre toujours plus

J’aime apprendre (tant qu’on ne me demande pas de retenir ce que j’apprends…). Apprendre un nouveau talent, l’écriture, m’attire déjà en soi. D’autant plus que j’adore les livres, et les histoires en général, j’ai envie de comprendre comment elles fonctionnent, ce qui pousse les humains à en vouloir toujours plus. Mais en plus, en écrivant un livre, il y a forcément une phase de recherche, même si c’est un livre contemporain et pas une fresque historique hyper fouillée. En écrivant mon petit romain policier contemporain, j’ai appris des choses sur la psychiatrie, l’interprétation médico-légale des traces de sang, et même sur la lecture des plaques d’immatriculation japonaise. Et j’ai adoré ça !

Ma contribution

En ce moment, je culpabilise un peu. D’ailleurs, ce sont souvent des livres ou des films qui me font culpabiliser, le genre qui te demande ce que tu fais pour améliorer le monde dans lequel on vit. On ne va pas se le cacher, ce n’est pas moi qui vais obtenir le prochain Prix Nobel de la paix. Je fais du tutorat auprès de lycéens de quartiers défavorisés (une fois par mois, payée par mon entreprise), mais ça ne me parait pas suffisant. Les activités associatives que j’avais en école d’ingénieur me manquent. Quel rapport avec l’écriture ? Eh bien je suis persuadée que l’art et le divertissement ont une influence énorme sur les mentalités, en définissant ce qui est « normal ». Alors si je pouvais écrire des romans avec des personnages féminins qui ne sont pas réduits à leur paire de sein ou leur utérus, des personnages LGBTQ+ qui ne meurent pas tous tragiquement, des personnages non blancs ou handicapés qui … existent tout simplement, peut-être que ce serait une contribution qui vaudrait le coup. Encore faut-il que j’arrive à le faire correctement (ce qui n’est pas facile). Et encore faut-il que des gens me lisent un jour ! C’est peut-être mi-naïf mi-illusoire, mais c’est une motivation, et une motivation toujours plus forte quand je vois le racisme, sexisme, homophobie, etc, qui existe encore. En 2018 !

Mon projet

Jusqu’à mon entrée dans la vie active, j’avais toujours un objectif en vue : avoir mon brevet, avoir mon bac, réussir mes concours, avoir mon diplôme, trouver du travail… Passé la période d’émerveillement sur mon nouveau travail, mes nouveaux collègues, ma nouvelle paye à la fin du mois, je me suis rendu compte que je n’avais plus d’objectif. Je ne suis pas spécialement ambitieuse et « monter dans la hiérarchie » ou « gagner le plus d’argent possible » le plus vite possible ne sont pas des objectifs pour moi. Et sans objectif, on commence à se poser des questions : métro, boulot, dodo, pourquoi faire ? Ou est-ce que je vais ? C’est quoi le sens de la vie, tout ça tout ça. Et il se trouve que je n’ai pas de réponse à ces questions-là. Par contre, je sais qu’avoir des projets au moins à moyen terme est un bon moyen de les tenir à distance. Je sais ce que je fais, je fais un truc concret: j’écris un roman. Je fais un truc constructif, un truc concret, un truc bien plus productif que de passer mes soirées à trainer sur Youtube en jouant sur mon téléphone. C’est aussi un projet qui, si j’arrive à progresser suffisamment, divertira, fera réfléchir, rire, pleurer peut-être, d’autres gens. Et ça, ça serait vraiment chouette.

Ma décision

Je ne suis pas quelqu’un de passionné, je n’ai jamais aucune certitude et je suis aussi extrêmement prudente. Je ne suis donc pas quelqu’un qui décide d’un truc et qui va jusqu’au bout. Jusqu’au lycée, j’avais envie de devenir archéologue. J’étais fascinée par l’Égypte ancienne et la mythologie grecque. J’ai passé grec ancien (par correspondance !) et latin au bac. Quand j’étais petite, j’adorais tamiser du sable et nettoyer les pierres de la terrasse avec une petite balayette, comme un paléontologue qui découvre un os de dinosaure (chacun ses lubies…). Mais arrivée à mon choix d’orientation, mon prof d’histoire m’a dit que les places en archéologie étaient très chères, et que lui-même avait voulu devenir archéologue avant de « finir » prof. Ce n’est pas du tout une critique du métier de prof, une vocation formidable qui d’ailleurs m’aurait peut-être beaucoup plu (j’adore expliquer des trucs! du coup j’ai un blog) mais moi à l’époque j’étais terrorisée de ne pas avoir l’autorité suffisante pour ça. Et comme tout me plaisait, j’ai choisi la voie qui me permettrait de faire « tout ce que je veux » (mais pas archéologue ou traductrice ou zoologue ou …), j’ai fait prépa math. Ce n’est pas un regret. J’ai eu la chance de tomber par hasard sur un métier qui me convient probablement mieux que tous ceux que j’ai eu envie de pratiquer à un moment ou un autre, et un métier qui m’offre une sécurité financière rare actuellement. Mais dans ma vie, j’ai pris beaucoup de décisions « sages », prudentes. Je n’ai jamais dit « je veux ça et je ferais tout pour l’avoir ».

L’écriture, c’est un peu ça pour moi. Le truc que j’ai décidé pour moi, qui ne regarde que moi. Le truc que je veux et que je ferais ce qu’il faut pour avoir. J’avoue, ce n’est même pas un risque que je prends. C’est un hobby. J’espère à peine être publiée. Mais c’est ma décision, à moi seule.

 

Conclusion

J’aime écrire, voilà tout. J’aime ça, même si c’est difficile parfois, même si j’ai besoin de me forcer un peu pour me lancer au lieu de faire tranquillement du puzzle devant la télé. Et c’est aussi une activité qui me fait fondamentalement du bien, même en comptant quelques périodes de déprime un peu violentes. Et j’ai tout plein de bonnes raisons d’écrire, des raisons que je vais garder sous le coude pour les moments de découragement.

C’était un article très personnel (pour ne pas dire nombriliste) et j’espère que ça ne vous a pas déplu (ni provoqué trop de questions sur mon état mental ^^). Je pense qu’il est nécessaire parfois de s’interroger sur son processus et ses motivations, et j’espère que ça vous aura inspiré à faire de même. N’hésitez pas à partager vos motivations et vos raisons d’écrire !

 

6 réflexions au sujet de “Pourquoi écrire ?”

  1. ça m’a beaucoup intéressée de te lire 🙂 (et merci pour le tag !)
    On partage pas mal de choses en fait : je compatis TELLEMENT à ta déprime post-critiques. Il n’y a rien de plus humain et je crois que tous les auteurs qui disent qu’ils le vivent bien mentent. Tu mets en avant la honte, moi je ressens surtout de la déception je crois quand quelqu’un vient percer ma petite bulle d’illusion et me dire que mon bébé n’est pas aussi bien que ce que je croyais. Même (surtout ?) si c’est dit gentiment et bien argumenté. Encore récemment, je me suis pris une amicale petite tape sur les doigts. Ma première réaction a été de me dire que je ne ferai plus lire aucun extrait de mes textes avant d’avoir fini d’écrire mon roman n°2. Ma deuxième réaction a été de me dire que, finalement, mes critiques avaient des suggestions très intéressantes pour corriger ce qui n’allait pas, et ça m’a donné des pistes d’inspiration pour repenser mon texte et rendre mon héroïne plus crédible. Alors bon courage 🙂
    Je te rejoins aussi sur le plaisir d’apprendre tout le temps, j’ai beaucoup regretté de devoir arrêter mes études et de commencer à travailler. Je m’efforce de trouver des boulots où je continue à apprendre des choses mais bon, comparés à des cours sur Shakespeare ou sur l’Histoire de France c’est un peu pâle, hélas.
    Et enfin, sur l’important d’avoir de nouveaux objectifs une fois qu’on a décroché le Graal du travail stable + logement. Je me souviens avoir ressenti le même vide au bout de six mois dans mon premier boulot, quand la routine a commencé à bien s’installer. Même si finalement, la vie réserve encore plein de surprises 😉 Mais c’est vrai que l’écriture est un particulièrement bon moyen de pimenter un peu le quotidien !

    Merci en tout cas d’avoir partagé tout ça

    1. Merci ! Maintenant je suis super motivée pour commencer à traiter sérieusement les retours de mes lecteurs (à partir de demain probablement !), mais il m’a fallu un peu de temps pour digérer…. Je pense que je gérerais les choses un peu différemment la prochaine fois.

  2. Bonjour et merci d’avoir partagé votre avis et vos sentiments je me retrouve beaucoup dans vos explications !
    J’espère que vous allez reprendre courage et surmonter ça, continuer de revoir votre roman ! Bon courage, je pense pouvoir comprendre ça je vous soutiens !
    Merci encore
    Clara

    1. Merci beaucoup pour ces encouragements ! J’ai commencé à recouper sérieusement les retours de mes bêta-lecteurs cette semaine. Maintenant je suis dans un état d’esprit « de travail », c’est plus facile à gérer. Et je commence à voir non plus ce qui ne va pas, mais ce que je peux améliorer. Et ça change tout ! Je ferais probablement un article sur le sujet d’ici une semaine ou deux^^.

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