Cette semaine, j’ai un article un peu spécial pour vous ! Je vous présente Anouchka Labonne, autrice de la nouvelle Léonie et du roman tout juste paru aux Éditions Voy’el : Le Garçon du port, en plus d’une série en cours sur Scribay : Rébellion. Elle a généreusement accepté de répondre à mes questions pour ce blog (Full disclosure : ça a peut-être aidé qu’on se connaisse depuis euh… 20 ans ! Mais je pense que vous l’auriez compris en lisant l’interview^^)
Vous pouvez aussi la retrouver sur son propre blog et aux Éditions Voy’el

Est-ce que tu peux te présenter pour nos lecteurices ?
Je m’appelle Anouchka Labonne, j’ai 30 ans même si la plupart du temps ça ne se voit pas.
Je travaille comme chargée de développement dans le milieu associatif et accessoirement je voyage et j’écris. Et je sais jamais quoi dire quand je dois me présenter.
Tu viens de publier Le Garçon du port, aux Editions Voyel. Est-ce que tu peux nous en dire quelques mots ?
C’est une histoire qui se passe dans l’Angleterre du XIXeme siècle. Un jeune lord se retrouve désargenté et plongé dans les intrigues du Londres mondain. C’est un peu une « coming of age story », une histoire où un jeune homme, à travers ses rencontres, ses choix, ses erreurs, va acquérir une forme d’autonomie.
Ce roman court était à la base une nouvelle que j’avais écrite quand je devais avoir 18 ou 19 ans. Après la publication de la première nouvelle, j’ai décidé de réécrire celle-ci comme un exercice de discipline pour rester dans une certaine dynamique d’écriture. Mes relecteurices m’ont encouragée à l’étoffer davantage pour lui donner son format actuel.
Ta précédente nouvelle, Léonie (qui est également incluse dans la version papier du Garçon du port, pour celles et ceux que ça intéresse) se passe pendant l’Occupation. Est-ce que tu choisis volontairement le genre historique, ou est-ce que c’est une coïncidence ? Qu’est-ce qui t’attire dans ce genre ?
On ne peut parler ni de coïncidence ni de choix. Ce sont les époques et leur contexte si particulier qui m’inspirent. L’Angleterre victorienne ultra-conservatrice et les histoires de guerre dans la ferme de mon grand-père sont des sources d’inspiration et même des éléments déclencheurs de ces histoires.
J’aime particulièrement les contextes historiques en cela qu’ils offrent une myriade de possibilités en terme d’intrigues, d’obstacles, là où — pour ce qui est de la romance homosexuelle en tout cas — le contexte contemporain m’inspire nettement moins.
Autant Léonie que le Garçon du Port parle d’histoires d’amour entre deux hommes. Est-ce que tu considères que tu écris de la littérature engagée ?
Engagée je ne crois pas. J’essaye d’écrire de la fiction de témoignage quand il s’agit d’un contexte historique : montrer les difficultés que peuvent traverser les personnages ayant un certain type de sexualité, ou aussi un genre (je pense à Lady Matilda dans Le Garçon du Port qui rappelle la place que tiennent les femmes dans un univers très masculin).
Pour ce qui est de l’œuvre de fantasy que j’écris actuellement, je préfère jouer avec les normes : décider que certaines attirances, jugées minoritaires dans nos sociétés, sont courantes dans ce contexte. Ça permet par exemple d’ôter l’enjeu « tabou » de l’homosexualité de l’intrigue et de s’intéresser à autre chose.
Au final, c’est sans doute une forme d’engagement, mais pas trop mise en avant, je ne me sentirais pas légitime pour cela et ce n’est pas non plus ce que je veux mettre au premier plan dans mes écrits.
Qu’est-ce qui t’as poussé vers les romances homo-érotiques ?
Ahah, eh bien ma chère, c’est toi ! Un jour, deux jeunes filles dont je tairai le nom sont venues me montrer une fanfiction tout à fait amusante qui sous-entendait que Harry et Drago s’adonnaient à des activités pas très catholiques. Quelque temps plus tard, tu m’as expliqué une théorie selon laquelle le personnage de Rosie aurait été rajouté à la hâte à la fin du Seigneur des Anneaux (alors publié en feuilleton) pour faire taire les mauvaises langues qui pensaient que Sam et Frodo avaient une relation qui dépassait le simple compagnonnage. Il ne m’en a pas fallu beaucoup plus pour basculer dans la consommation massive de fanfictions homo-érotiques mettant en scène mes Hobbits préférés.
Cette forme de littérature a été un véritable refuge et un appui pour ma construction personnelle, j’en parle de façon plus détaillée ici, pour celles et ceux que ça intéresse.
Tu es éditée par les Editions Voy’el. Est-ce que tu peux nous expliquer comment s’est passé ta recherche d’une maison d’éditions ? Est-ce que tu avais un plan de recherche, des critères précis ?
J’ai la chance d’avoir une très bonne amie (encore une !) qui a été publiée pour une excellente série de fantasy et qui connaissait assez bien le monde de l’édition. Comme je cherchais à faire publier une nouvelle, donc un format inhabituel et peu intéressant pour les maisons d’éditions traditionnelles, avec en plus un sujet qui peut en repousser certaines, j’ai tout de suite visé les petites maisons avec une ligne éditoriale alignée avec ce que je faisais. Voy’el a été la première que m’a recommandée cette amie, on peut dire qu’elle avait vu juste !
Tu as également une série en cours sur Scribay et Wattpad, Rébellion. Est-ce que tu peux nous expliquer de quoi ça parle ?
Rébellion est une future trilogie dont la première version du tome 1 est entièrement disponible sur Scribay !
Ça se passe dans un empire gigantesque qui est librement inspiré de l’Europe du XIXème siècle, et plus particulièrement une péninsule annexée depuis à peine 50 ans elle-même librement inspirée de la Mongolie. Cette péninsule devenue province est là seule où l’esclavage a encore cours.
On suit les aventures de Sao, un esclave, qui arrive chez son nouveau maître et qui essaye de rejoindre Rébellion, le réseau de résistance qui a pour ambition de libérer le peuple autochtone de ses chaînes.
L’ambiance est légèrement steampunk, et le premier tome est presque un huis-clos dans le manoir du nouveau maître, avec sa dose de tension, de mystère, et quand même un peu de sexe.
Pourquoi avoir choisi de publier par Scribay/Wattpad? Qu’est-ce que tu penses de cette expérience ?
La première raison était pour moi de me fixer un objectif de régularité. Je voulais publier un chapitre par semaine. Je l’ai fait, sauf la semaine du nouvel an, parce que bon… mais ça a bien fonctionné. Je ne travaillais pas à ce moment-là, et j’ai écrit le premier jet du tome 1 en moins de 3 mois. Alors ce n’est pas un très gros tome et je suis en train de l’enrichir, mais tout de même, objectif réussi !
Ensuite, je voulais essayer de constituer un petit lectorat, avoir des retours pour m’améliorer. C’est aussi grâce à ce petit lectorat que je me suis autant motivée à écrire régulièrement.
Est-ce que tu as déjà d’autres projets ?
En ce moment je suis en pleine reprise du tome 1, puis ce sera la suite de Rébellion bien évidemment.
Mon projet « un jour, peut-être » serait d’écrire un roman autobiographique (rien que ça) sur mes années lycée. Je suis passée par un tas de petites choses en terme d’identité qui mériteraient sans doute d’être racontée, mais je n’ai pas encore trouvé le bon angle d’attaque, et je préfère finir Rébellion d’abord.
Qu’est ce qui t’as poussé vers l’écriture ?
J’ai le droit de dire « toi », encore ? Non, ce n’est pas tout à fait vrai. Même si avoir écrit un roman à 8 mains m’a un peu aidée.
J’ai toujours écrit, j’ai toujours aimé imaginé des histoires. Ce qui m’a poussée vers l’écriture, de façon « sérieuse », c’est Léonie. Cette histoire a fait irruption dans ma tête et quand, après l’avoir fait relire, j’ai réalisé que j’étais prête à opérer de vrais gros changements dessus (pas comme avant quand je considérais qu’une fois le point final posé on ne pouvait plus y toucher), j’ai compris que j’étais prête à me lancer dans l’écriture de façon plus « professionnelle ».
Qu’est-ce tu trouves le plus difficile dans l’écriture ?
Ne pas perdre le fil. J’ai toujours écrit des nouvelles, et maintenant que je suis sur des formats plus longs (genre, paf, une trilogie alors que mon premier roman est tout riquiqui) j’ai toujours un peu peur de me perdre. Et aussi de faire des choix illogiques. Par exemple, faire faire une action à un personnage sur laquelle se repose une grosse partie de l’intrigue, mais qu’on ne comprenne pas pourquoi en fait ce personnage a fait cela. En fait, j’ai peur que mon intrigue ne tienne pas bien la route !
Au contraire, quel sont tes points forts en tant qu’autrice ?
De façon assez étonnante pour qui me connaît un peu, je dirais une forte volonté d’aller jusqu’au bout. J’ai eu plein de projets inachevés, mais maintenant je termine. Et je veux le faire sérieusement.
Aussi, en tant qu’auteure d’homoromance, je mets un point d’honneur à être la plus réaliste possible : ne pas laisser des personnages du XIXème siècle se comporter comme des ados du XXIème en chaleur me semble assez basique, mais c’est un point faible dans beaucoup de fictions du genre, et je crois éviter ce type d’écueil, enfin la plupart du temps !
Question bonus : comment te désigne-tu ? Auteure ? Autrice ? Écrivaine ?
Moi je me désigne plus souvent comme auteure, mais tout me va.
Es-tu plutôt planner ou pantser (est-ce que tu planifies tes textes à l’avance ou non ?) ?
À la base plutôt pantser, mais pour Rébellion j’ai bien été obligée de rajouter un peu de planification. Bon, je ne sais toujours pas comment ça se termine, j’aime bien me laisser guider par les personnages et le monde que je crée, ça me permet aussi de garder une cohérence (plutôt que de restée accrochée à un choix parce que c’est ce que j’ai décidé depuis le début).
Alors, au final, un peu des deux ?
Est-ce que tu as une routine d’écriture ? Un moment/lieu favori, des musiques fétiches, etc ?
J’aime bien aller au café (genre là j’y suis) et me prendre une boisson cool (de préférence un Bubble Tea quand je peux). J’écoute des musiques de film quand j’ai envie de me concentrer un peu, sinon l’ambiance calme du lieu suffit.
S’il y a des gens autour ça m’aide, la pression des pairs sans doute, sans ça j’aurais envie de zoner sur internet je pense !
Dans ce blog, je m’intéresse énormément à l’apprentissage : comment progresser en écriture (même en regardant sa télé-réalité favorite^^). Est-ce que tu comptes plutôt sur la pratique ou est-ce que tu as d’autres méthodes ? Est-ce que tu as des ressources favorites sur l’écriture (blogs, chaines Youtube, livres ou autre) ?
J’ai un peu de mal avec la théorie. Surtout que mon expérience est basée essentiellement sur la pratique. Ou alors il faut que ça soit très précis, et concis. Je suis des gens sur twitter et de temps en temps je lis des articles, mais un bouquin entier par exemple ça me gonflerait je pense !
En Nouvelle-Zélande j’ai participé à un workshop sur l’écriture, c’était super intéressant, surtout qu’on n’a pas la même approche entre les francophones et les anglophones. C’est sans doute l’expérience la plus théorique que j’ai faite sur ce sujet, mais comme c’était participatif, j’y ai trouvé mon compte.
Est-ce qu’il y a des auteurices ou des oeuvres qui t’inspirent particulièrement ?
Je lis assez peu. Mes lectures sont souvent anglophones, donc je ne sais pas trop comment ça ressort dans mes propres écrits.
Clairement, la trilogie du Prince Captif de C.S. Pacat a été un très grand déclencheur dans mon envie d’écrire une œuvre homo-romantique dont l’intrigue serait d’abord politique. J’ai parfois peur de m’en être trop inspirée, mais je pense qu’il faut avoir lu la saga 12 fois et toutes les fanfictions issues de l’univers pour faire le parallèle.
Si je ne me trompe pas, tu as fait des études de cinéma, et tu as participé à des nombreux films. Est-ce que cette expérience a un impact sur ton écriture ?
Je pense que j’ai une façon de raconter les choses assez voire trop cinématographique. Je visualise les scènes dans ma tête, elles sont assez bien décrites, mais du coup les enchaînements entre les scènes sont parfois un peu bruts. Comme un noir au cinéma. C’est en tout cas un retour que l’on me fait régulièrement. Alors je n’avais jamais pensé que ça pouvait venir de là, mais puisque tu poses là question… peut-être que c’est l’explication !
Mon petit doigt me dit que pendant tes années d’étude, tu as participé à l’écriture d’une œuvre de Fantasy à 8 mains, Blue Moon (avec 3 autres autrices géniales^^). Qu’as-tu retiré de cette expérience ?
Ahah, qu’on n’a toujours pas terminé, et que maintenant je veux finir tout ce que j’entreprends !
Plus sérieusement, je crois que c’est un très bon exercice dans le sens où l’on est obligé de jouer avec les éléments mis sur notre route par d’autres. Je fais prendre une direction aux personnages, mais si les autres autrices ne suivent pas, eh bien il faut ravaler sa frustration et faire avec, en tirer autre chose. Ça stimule la créativité, et puis en terme de régularité, même si là on n’y est plus, c’est aussi un bon entraînement !
Voilà, merci à Anouchka d’avoir répondu à mes questions, et j’espère que cette interview vous a plu !