Utile ou pas ?

Faut-il lire 2k to 10k de Rachel Aaron

Cette semaine je vous parle d’un livre sur l’écriture moins connu que ceux dont j’ai parlé jusque là. Il s’agit 2k to 10k de Rachel Aaron (qui se traduit par « De 2 000 à 10 000 mots par jour »). Je n’avais pas vraiment prévu de traiter ce livre à la base, en partie parce que je voulais me concentrer sur des livres dont il existe une version française (ce n’est pas le cas de celui-ci, désolée, il est auto-édité). Mais je viens de le relire, un peu par accident, et je le trouve à la fois intéressant et facile à résumer pour celles et ceux qui n’auraient pas l’envie ou la possibilité de le lire en anglais. En particulier, Rachel Aaaron donne des conseils de méthodologie assez simples pour améliorer sa vitesse d’écriture, et je suis certaine que beaucoup d’entre vous seront intéressé.e.s…

Titre original : 2k to 10k : Writing faster, Writing better and Writing more of what you love

Autrice : Rachel Aaron

Parution : 2017

Sujet/objectifs : méthodologie : écrire plus vite, planifier son roman, réviser son roman

2k to 10k de Rachel Aaron

Résumé et concept

Rachel Aaaron est une autrice de fantasy et de science fiction américaine qui, après avoir publié plusieurs livres, a eu la possibilité de quitter son emploi pour écrire à plein temps. Seulement, elle s’est rapidement rendue compte que même à plein temps, elle n’arrivait pas à écrire plus qu’avant, c’est à dire environ 2 000 mots par jour (a priori c’est un problème répandu chez les créateurices qui réussissent à en faire un métier à plein temps). Après une période de dépression, elle a réussi identifier des moyens d’augmenter sa productivité.

La première partie du livre raconte donc comment elle a réussi à passer de 2 000 à 10 000 mots par jour, comme l’indique le titre (et bien sûr comment vous pouvez améliorer votre propre productivité de la même manière).

Dans la deuxième partie, Rachel Aaron décrit son propre processus d’écriture. Elle détaille en particulier sa façon de planifier ses romans (c’est une Architecte/planner) et sa méthode pour les éditer.

2k to 10k en trois idées

Les trois dimensions de la productivité

Tout l’objectif de ce livre, c’est d’expliquer comme Rachel Aaron a réussi à multiplier par 5 le nombre de mots qu’elle était capable d’écrire par jour. Pour cela, elle s’est servie de trois axes principaux : la connaissance, le temps et l’enthousiasme.

  • Connaissance

Rachel Aaaron est une Architecte, ce qui signifie qu’elle planifiait déjà entièrement ses romans au départ. Mais quand elle a cherché à améliorer sa vitesse d’écriture, elle s’est rendu compte qu’elle écrivait plus facilement si elle avait une idée claire de la façon dont se déroulait la scène qu’elle essayait d’écrire. Avant chaque session, elle prend donc 5 minutes pour « esquisser » sa scène, ce qui lui permet ensuite de ne pas rester bloquée au milieu d’une scène à chercher ce qui doit se passer ensuite.

Cette méthode peut être appliquée même si vous ne faites pas de plan pour votre roman : vous ne cherchez pas à savoir dès le départ tout ce qui va se passer dans votre roman, juste à jouer mentalement le déroulement d’une scène juste avant de l’écrire.

  • Temps

La seconde action que Rachel Aaron a mise en place a été de noter chaque jour quand et où elle écrivait, pendant combien de temps et le nombre de mots écrits sur cette période. Cela lui a permis de déterminer dans quelles conditions elle écrivait le mieux. Dans son cas, elle écrit mieux par longues plages de plus de deux heures, en dehors de chez elle et dans l’après-midi. Comme elle est autrice à plein temps, elle a pu arranger son planning autour de ces informations. Même si vous n’aurez probablement pas la possibilité de faire la même chose, vous pourrez toujours essayer de vous faciliter la vie en privilégiant par exemple d’écrire au réveil ou plutôt le soir, etc. Personnellement, c’est en participant à NaNoWriMo que j’ai le plus appris sur la meilleure façon d’écrire pour moi.

  • Enthousiasme

En faisant des statistiques, Rachel Aaron s’est également rendu compte qu’elle était plus productive lorsqu’elle écrivait les scènes qui l’excitaient le plus dans son roman, et vice versa. Ça peut paraitre assez évident, mais ça lui a permis de mettre un nouveau mécanisme en place : au moment où elle esquisse sa scène avant de commencer à l’écrire, elle cherche dans la scène les éléments qui l’enthousiasment. Non seulement cela lui permet de se motiver pour écrire, mais si elle ne trouve pas assez de motivation, elle remet en question la scène en elle-même. Si elle n’arrive pas à être enthousiaste, les lecteurices ne le seront pas non plus. C’est un double gain de temps : non seulement elle n’écrit pas une scène qui lui aurait pris du temps puisqu’elle n’est pas motivée pour le faire, mais surtout elle n’écrit pas une scène qu’elle aurait de grandes chances de couper dans tous les cas pendant ses révisions…

  • Rythme et blocages

De manière générale, elle considère que si elle n’arrive pas à avancer sur une scène, ce n’est pas parce qu’ELLE a un problème (le fameux Syndrome de la page blanche), mais parce qu’il y a un problème avec ce qu’elle essaie d’écrire. Soit elle n’a pas une vision assez claire de ce qu’elle essaie d’écrire (problème de connaissance), soit ce qu’elle essaie d’écrire n’est pas suffisamment passionnant ou pas bien intégré dans son histoire (problème d’enthousiasme).

Si vous voulez plus de détails et que vous ne voulez/pouvez pas acheter le livre (il n’est vraiment pas cher sur Amazon^^), vous pouvez retrouver sur son blog l’article qu’elle a remanié pour en faire la première partie de 2k to 10k.

Un plan pour les révisions

Dans sa deuxième partie, Rachel Aaron décrit son processus d’écriture, et elle donne un méthode très intéressante pour gérer les révisions d’un roman.

Pour réaliser ses révisions, elle utilise trois outils (qu’elle construit en relisant son premier jet) :

  • Un plan de son roman

Il s’agit simplement d’une liste des scènes du roman, accompagnées d’une petite description. Cette liste peut être annotée pour indiquer la présence de sous-intrigues ou de personnages particuliers dans chaque scène. Ce plan aide à se retrouver dans le roman, et aussi à équilibrer les sous-intrigues

  • Une chronologie

Il s’agit d’un plan du déroulement des événements (en particulier si le roman n’est lui-même pas dans l’ordre chronologique). La chronologie comprendra aussi des événements qui n’apparaissent par aux lecteurices (par exemple ce que font les Méchants à chaque moment). Le but de la chronologie sera de vérifier la cohérence de l’intrigue : par exemple l’antagoniste ne devrait pas essayer d’assassiner l’héroïne avant d’avoir appris son existence…

  • Une to-do liste

La to-do liste est l’outil le plus important : il s’agit de la liste de tous les problèmes détectés au cours de la relecture, et donc de tous les problèmes qu’il faudra corriger pendant les révisions. Cette liste est primordiale : on ne peut pas corriger des problèmes dont on ignore l’existence… Elle peut être constituée pendant une relecture, mais aussi avec les remarques de vos bêta-lecteurices ou de votre éditeurice si vous êtes dans une phase plus avancée…

Rachel Aaron utilise le même processus pour chaque phase de révision.

Sa première étape consiste donc en une relecture pour fabriquer (ou mettre à jour) ses différents outils.

Ensuite elle traite chaque élément de sa to-do liste dans l’ordre du plus compliqué au moins compliqué (et surtout pas linéairement). Le fait de réviser non linéairement, et en commençant par le plus compliqué lui permet de ne pas faire de travail inutile : si vous devez supprimer totalement un personnage, cela ne sert à rien de corriger le style de ses dialogues par exemple…

La chronologie et le plan aident à se repérer plus facilement et à sauter d’une scène à l’autre quand c’est nécessaire.

L’étape suivante est ensuite une relecture chronologique cette fois, pour améliorer le style et pour corriger les incohérences qui auraient pu être introduites dans l’étape précédente, maintenant que les gros problèmes structurels ont été réglés.

Ensuite une lecture « en conditions réelles » (par exemple sur une liseuse ou en imprimant, etc), permet de vérifier si on est prêt à passer à l’étape suivante (soumettre à des bêta-lecteurices, chercher une maison d’édition, etc).

Pour plus de détails, vous pouvez aussi lire son article sur les révisions pour les gens qui détestent réviser (toujours en anglais, désolée, j’espère que mon résumé est assez clair pour rattraper^^)

D’une pierre deux coups

La dernière idée que j’ai trouvé particulièrement intéressante dans ce livre concerne à la fois l’écriture et les révisions.

On dit souvent que pour conserver une scène dans son roman, il faut pouvoir déterminer son utilité au sein du roman : caractériser un personnage, révéler une information, faire avancer l’intrigue, etc…

Ce que conseille Rachel Aaaron (et beaucoup d’autres auteurices) c’est de ne pas se contenter d’avoir un but par scène, mais d’essayer le plus possible de les cumuler. Par exemple, au lieu d’avoir une scène où le héros est assis à une table avec sa mentore qui lui explique tranquillement le système de magie de l’univers, et une autre où le héros se fait attaquer par la première fois par l’antagoniste, on pourrait avoir une scène où héros et mentore sont attaqués et où elle essaie de lui donner le plus d’instruction possible en temps réel pour qu’il puisse survivre…

Ce genre de combinaison peut permettre de rendre instantanément des scènes plus intéressantes, et aussi de réduire un peu votre roman si vous êtes du genre à écrire des pavés de 200k mots… Évidement ça ne fonctionne pas à tous les coups, mais c’est une idée intéressante, surtout pendant les révisions où vous risquez de vous rendre compte que certaines de vos scènes sont loin d’être palpitantes. La solution pourrait être d’en extraire l’aspect important et de l’insérer dans une autre scène existante.

Parlons maintenant des points faibles et forts de 2k to 10k !

Les Moins

  • Assez simple

Comparé à L’Anatomie du scénario de Truby par exemple, 2k to 10k pourra paraitre simpliste. Beaucoup de conseils peuvent paraitre comme une question de bon sens (par exemple, essayer de déterminer à quel moment on est le plus efficace), et beaucoup se retrouvent assez largement sur Internet.

  • Récit d’une expérience personnelle

2k to 10k est avant tout la description du processus d’écriture de Rachel Aaron, et de ce qu’elle a fait pour l’améliorer. Il parlera d’ailleurs plus aux Architectes, en particulier la partie sur « comment planifier son roman » (que je n’ai pas décrite dans cet article, puisqu’elle n’était à la fois pas spécialement originale et d’un usage plus réduit que la partie sur les révisions). En cela, ce livre peut se rapprocher de celui de Stephen King, qui se voulait beaucoup plus personnel qu’un livre de conseil d’écriture classique. 2k to 10k est en fait une réécriture de plusieurs articles de blog de Rachel Aaron, ce qui est à la fois un point faible ou un point fort selon votre goût pour le format^^.

  • Pas miraculeux

Contrairement à ce que peut laisser penser le titre, ce livre ne vous permettra pas automatiquement d’écrire 10 000 mots par jour… En pratique, Rachel Aaron est très franche sur le sujet, elle-même a réussi à atteindre 10k par jour, mais c’est son métier, et elle écrit déjà rapidement à la base. Son objectif avec ce livre est simplement d’aider ses lecteurices à améliorer leur productivité, mais sans diminuer la qualité ! Le but est d’être plus efficace, pas spécialement plus rapide.

Les Plus

  • Facile et agréable à lire

C’est l’autre face de la pièce, effectivement c’est un peu simple, mais le fait que ce soit le récit d’une expérience personnelle le rend très agréable à lire. Dans l’esprit d’un article de blog, on partage son expérience, comme des pairs, on ne se contente pas de recevoir une leçon magistrale (comme ça peut être le cas pour le livre de Truby qui est passionnant mais loooong, ou comme Albalat qui porte des jugements à l’emporte-pièce). Il est aussi très court, donc pratique pour les auteurices surmené.e.s^^

  • Le sujet

2k to 10k parle vraiment de l’aspect méthodologie de l’écriture : comment s’organiser pour écrire, comment planifier son roman, comment éditer, et ce sont des sujets qu’on retrouve énormément sur Internet mais assez peu dans les livres de conseils (à l’exception de la planification puisque ça rejoint toutes les théories sur la structure du récit). En particulier quand on débute dans l’écriture, avoir un plan de bataille pour réviser peut sauver des vies (et des romans^^)… Pour moi, l’écriture est vraiment un ensemble de capacités techniques, et certaines sont plus souvent représentées que d’autres dans la littérature.

Ce que j’en retiens

Une des raisons pour lesquelles je vous parle de ce livre, c’est qu’il est en grande partie à l’origine de ma propre façon d’éditer. J’ai lu l’article de Rachel sur les révisions et ça a été une évidence pour moi. Je ne dis pas que j’applique sa méthode telle quelle (en fait je suis viscéralement incapable d’appliquer une méthode à la lettre, je ne garde toujours que les morceaux qui me plaisent), mais ça a clairement inspiré ma propre façon de faire. La liste de scènes m’a été très utile pour ma première révision, puisque j’avais totalement « pantsé » (improvisé) mon roman, et que j’avais une multitude de scènes qui n’avaient plus rien à faire là. Avoir une liste (et Scrivener) m’a beaucoup aidé à me repérer et à faire le tri. J’ai bien été obligée de me créer une mini-chronologie, parce que je n’avais fixé aucune date au départ… Et la liste de problèmes à régler est vraiment essentielle : elle permet vraiment de savoir ce qu’on doit faire mais aussi de passer de l’état d’esprit « mon dieu mon roman est mauvais c’est une catastrophe, je vais vivre le restant de mes jours cachée sous mon lit avec le chat » à « j’ai tel, tel et tel problème, je peux les régler, et ensuite mon roman sera meilleur ! ».

Sa méthode est efficace, et m’a aidée à non pas supporter mais vraiment aimer la phase de révisions : la phase de révision, c’est le moment où on peut effacer tous les défauts qui nous font honte ou nous désespèrent. Pour moi, par exemple, supprimer toutes mes scènes qui n’allaient nulle part et n’étaient pas terribles, ça a été un vrai plaisir.

Indirectement, ça m’a aussi aidée à supporter les retour de mes bêta-lecteurices. Si vous avez lu mes articles plus anciens, vous savez sans doute que j’ai eu un passage difficile à ce moment-là (et c’est difficile pour chacun à sa façon, certains sont en colère, d’autres découragées, pour moi c’était un sentiment de honte intense). Mais à partir du moment où j’ai réussi à transformer les critiques en une liste de problèmes et surtout où j’ai pu commencer à chercher des solutions… Non seulement mon moral a remonté en flèche, mais j’étais même pressée de commencer, parce que je voyais de moyens concrets d’améliorer mon roman ! Et puis transformer une liste de problèmes en une liste d’actions, c’est comme résoudre des énigmes, et moi j’adore ça^^.

Bref, tout ça pour dire que j’ai vraiment apprécié cette partie du livre, et qu’elle est assez proche de ma propre méthode^^.

Conclusion

2k to 10k est un livre court, simple et pas cher qui parle surtout de méthodologie : améliorer sa productivité (sans prendre sur la qualité), planifier et réviser ses romans. Je vous le conseille si vous lisez l’anglais (sinon ça va être compliqué, hein^^) et que le style blog vous plait.

Je vous conseille au moins l’article Editing for People Who Hate Editing, que j’ai trouvé vraiment utile, au moins en tant que débutante qui n’avait jamais édité un roman de sa vie… (il faut bien commencer !)

Et si comme moi vous adorez les livres sur l’écriture (que vous lisez au lieu d’écrire, oui, je sais ce que vous faites^^), vous pouvez retrouver mes autres articles dans la catégorie Utile ou pas ? ou juste en dessous :

2 réflexions au sujet de “Faut-il lire 2k to 10k de Rachel Aaron”

  1. (Je pleure un peu en lisant cet article, j’aimerais tellement écrire à plein temps)
    Je suis rassurée parce que j’applique déjà une partie de ces méthodes 🙂 Le fait d’esquisser une scène avant de l’écrire, je le fais de plus en plus, j’ai du mal à commencer sans ça. A l’avenir j’essaierai de construire des plans plus précis, qui intègrent ce synopsis détaillé.
    Et j’arrive aussi à prendre du recul avant d’écrire une scène et à me demander si elle me donne envie de l’écrire ou pas – si la réponse est non, j’en conclus qu’il faut que je change quelque chose.

    En revanche, le coup de la to-do list je ne l’avais pas fait, j’avais corrigé Le Page de l’Aurore de façon complètement linéaire (mais en même temps je ne supprimais aucun personnage majeur). En fait quand je me relis je note des commentaires directement dans mon fichier Word à l’endroit où il y a un problème, donc c’est compliqué après de tous les rassembler pour les hiérarchiser. Mais je note quand même la méthode, ça pourrait être intéressant d’essayer.

    Merci pour cet article ! Je vais aller m’intéresser au blog de Rachel Aaron de plus près 🙂

    1. Je crois que la raison pour laquelle la to-do liste m’a autant parlé, c’est que mon premier jet avait besoin de tellemeeeeeeent de travail^^. C’était juste impossible de relire linéairement, il a fallu que je supprime beaucoup de scènes, que je réorganise le reste et que j’en écrive encore plus. Il y avait vraiment du travail structurel à faire, et c’était beaucoup plus facile à envisager de cette manière.
      Je ne suis pas le blog de Rachel Aaron de très près, mais il faudrait que j’y refasse un tour (je crois que la dernière fois que j’y suis allée elle annonçait qu’elle allait réduire son rythme de publication). Elle a une approche assez scientifique de sa façon de travailler qui me plait bien (a priori elle adore Excel^^).

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