Dans mon dernier article, j’ai expliqué en long et en travers que le thème de mon blog, c’était plutôt « comment apprendre à écrire ? » que « comment écrire », et que j’écris rarement des articles de pur « conseil d’écriture », à part quand j’ai l’impression d’avoir appris quelque chose par moi-même.
Et ça m’a rappelé un sujet dont j’avais envie de vous parler : le découpage en chapitres… Un sujet qui m’a posé des problèmes quand j’ai commencé à écrire, et sur lequel j’ai appris beaucoup entre temps.

Comment découper son roman en chapitre : l’avis d’Internet
A un moment donné de l’écriture de mon premier roman, je me suis posé la question fatidique : comment est-ce que je peux extirper des chapitres de ce bazar ? Je n’ai pas fait de plan pour ce roman, je me suis contentée d’écrire au fur et à mesure que l’histoire émergeait. Je voyais beaucoup d’auteurices sur Internet qui arrivaient, avant même d’avoir écrit un mot, à estimer le nombre et la longueur de leurs chapitres et j’en étais très loin. J’avais l’impression d’avoir manqué un secret majeur sur les chapitres à un moment donné… Donc j’ai fait des recherches et j’ai posé quelques questions à mon ami Google.
Qu’est-ce qu’un chapitre ?
Si on en croit différents dictionnaires, c’est : « une division d’un livre ».
Ça nous fait une belle jambe^^. Wiktionnaire est généreux et nous précise que ça sert à structurer et faciliter la lecture.
Quelle longueur doit faire un chapitre ?
Réponse unanime : ça dépend !
Certains chapitres peuvent contenir une seule phrase, voir même un seul mot…
Et il n’y a pas de limite.
D’après les stats que j’ai trouvées, la moyenne semblerait être entre 3000 et 5000 mots par chapitre, mais certains genres favorisent des chapitres plus courts ou plus longs selon les cas…
Combien de scènes dans un chapitre ?
Si on ne sait pas déterminer le nombre de mots, on pourrait au moins savoir combien de scènes mettre dans un chapitre.
Mais qu’est-ce qu’une scène ? (oui, je sais, tellement de questions^^)
J’avoue que la notion de scène n’est pas encore 100% claire pour moi. Mais en gros, il s’agit de l’unité narrative du roman. En général, les changements de personnages, de lieu ou de moment indiquent un changement de scène.
De la même manière, un changement d’action, ou de thème peut également entrainer un changement de scène (par exemple une discussion puis une scène de combat).
Donc, combien de scènes par chapitres ? Je vous laisse deviner…
Ça dépend, oui, oui.
La solution la plus simple, c’est de compter une scène par chapitre, et ça règle le problème des chapitres (encore faut-il savoir identifier ses scènes correctement…). Mais en dehors de ça, encore une fois tout est permis…
Comment j’ai découpé mon roman en chapitre
Après avoir fait toutes ces recherches, je n’étais pas tellement plus avancée.
J’avais compris le principe, mais je ne savais pas plus comme j’allais réussir à diviser mon propre roman. J’ai donc adopté une technique révolutionnaire en 3 étapes…
Étape 1 : laisser tomber
En fait, c’est le meilleur conseil que j’ai à donner sur le découpage en chapitres et surement le moins intuitif.
Pour faire simple, le découpage en chapitre n’est pas une priorité. La priorité, c’est non seulement d’avoir écrit son roman, mais de l’avoir édité suffisamment pour que la structure soit stable. Comme on l’a dit précédemment, le chapitre, c’est une division structurelle, tant que votre histoire n’est pas figée dans les grandes lignes, tant que son squelette ne sera pas en place, ce sera forcément plus difficile de la diviser logiquement.
Si les chapitres vous viennent naturellement, ou s’ils vous aident à écrire, tant mieux, mais si vous êtes perdu.e, que cela vous parait compliqué ou trop nébuleux, ce n’est pas la peine de vous mettre la rate au court-bouillon.
Concentrez-vous sur l’écriture et les révisions, et garder le découpage en chapitres pour plus tard.
Je crois que c’est une des dernières choses que j’ai faite avant mon premier envoi à des bêta-lecteurices, et ça n’a pas été du tout un problème d’attendre que le roman soit « terminé ». Je me suis contentée d’utiliser la division en scènes pour m’y retrouver (et même cette division a évoluée, puisqu’au départ, j’utilisais la formule 1 scène = 1 lieu, 1 moment).
En résumé : on ne se stresse pas, il y a d’autres priorités…
Étape 2 : copier sur le voisin
Même si j’ai « laissé tomber », je n’ai pas été inactive non plus. Comme je le disais dans mon article Comment apprendre à écrire, quand on veut s’améliorer, la meilleure solution peut être de regarder comment font vos auteurices préféré.e.s.
Pendant quelques temps, j’ai essayé de faire attention aux livres que je lisais. Les chapitres étaient plutôt invisibles pour moi jusque-là, et j’ai fait l’effort conscient de m’intéresser leur chapitre, à leur longueur, mais surtout à l’endroit et la façon dont ils se terminaient. J’ai pu observer des similarités…
Étape 3 : le sentir, et l’appliquer
Il s’est passé un certain temps entre le moment où j’ai étudié les autres livres et celui où j’ai effectivement divisé mon roman en chapitres.
Et quand je me suis enfin décidée à le faire, j’ai eu une bonne surprise : je « le sentais ». Je maitrisais la structure de mon roman, et je « voyais » là où il était logique de diviser.
Pour mon roman, La Muse aphone, ça a donné le découpage suivant : 13 chapitres (dont l’épilogue), pour 54 scènes et 107k mots. Donc, un peu plus de 8000 mots par chapitre, comme vous le confirmeront celles et ceux qui ont des calculatrices. Je ne suis donc pas du tout dans la moyenne énoncée plus tôt. Alors, peut-être que je me trompe complètement et que mes chapitres devraient effectivement être beaucoup plus courts, mais dans leur état actuel, ils ont un sens. Et si une maison d’édition s’intéresse à mon roman, elle pourra toujours le rediviser à sa guise…
Quelques conseils plus concrets
J’ai conscience que « attends que ça te vienne » peut être une réponse tout aussi frustrante que « ça dépend ». Donc je rajoute quelques infos un poil plus concrètes, que j’ai apprises par moi-même, ou lu ailleurs.
Une structure fractale
Le roman a une structure fractale : un joli mot pour parler d’une structure qui se répète à l’infini des niveaux de plus en plus fins.
La structure la plus simple, c’est la structure en 3 actes : incident déclencheur, péripéties, dénouement. Cette structure peut se retrouver au niveau du roman, mais aussi à l’échelle du chapitre et à l’échelle de la scène.
En gros, le chapitre sera un mini arc narratif à l’intérieur du roman, de préférence avec son propre sujet, son début, sa fin.
Ce sera une petite histoire à l’intérieur de l’histoire, avec une cohérence interne (de la même manière qu’un tome d’une série sera une histoire distincte, mais intégrée dans une série).
Le pouvoir du cliffhanger
Même si chaque chapitre est censé être une histoire en modèle réduit, et donc avoir une résolution, il ne faudrait quand même pas que les lecteurices soient trop satisfait.e.s et soient tenté.e.s de poser le livre…
La fin de chapitre est l’endroit naturel où s’arrêter de lire, et on ne voudrait pas que ce soit trop facile de le faire.
Une chose que j’ai remarqué pendant ma phase de recherche, c’est qu’un chapitre finit souvent sur un peu de suspens.
Il peut finir sur un vrai cliffhanger : l’héroïne est suspendue du bout des doigts au rebord d’une falaise, va-t-elle tomber ??? Et hop, les lecteurices sont obligé.e.s de tourner la page, commencer un nouveau chapitre, et d’un coup il est 3 heures du matin…
La technique du cliffhanger est efficace, mais elle a aussi ses dangers. Personnellement, je préfère les utiliser avec parcimonie. En tant que lectrice, je les ressens parfois comme un moyen artificiel et presque déloyal de maintenir le suspens. En particulier dans les séries TV, certaines s’en tirent simplement en collant un cliffhanger à la fin de chaque épisode sans que la qualité du reste soit forcément au rendez-vous. Je ne dis pas que les cliffhangers sont une mauvaise chose, simplement que ça peut être dangereux d’en abuser. Mais c’est aussi une question de genre littéraire et de goût : à chacun.e de trouver son équilibre.
Sans aller jusqu’au cliffhanger, la plupart des chapitres finissent sur un élément nouveau, ou intrigant, ou évocateur de ce qui pourrait arriver par la suite. Le principe est similaire à celui du cliffhanger, mais c’est une question de degré. Au lieu de finir sur l’héroïne pendue au bord du précipice, vous pouvez finir sur l’héroïne se félicitant d’avoir traversé la Forêt Maléfique, mais observant avec inquiétude le terrible précipice qu’elle aura à franchir le lendemain….
En tout cas, ça ne peut pas faire de mal de finir sur une phrase intéressante, il faut juste éviter que ce soit trop systématique ou forcé.
Une histoire de rythme
Le chapitre, c’est la principale division visible par le lecteur, et c’est celle qui va rythmer sa lecture. Plus les chapitres seront courts, plus il ou elle aura l’impression de lire rapidement, de la même manière que les phrases courtes donnent une impression de vitesse.
La tentation du « encore un chapitre ! » sera aussi plus forte : c’est comme couper de petites parts de gâteau, on se sent moins coupable de se resservir… (bienvenue dans mes métaphores de gourmande invétérée..)
Conclusion
Mon conseil principal, celui que j’ai retiré de l’écriture de mon premier roman, c’est de ne pas trop se stresser à propos des chapitres, surtout en cours d’écriture, ou de planification. Les chapitres peuvent venir plus tard, beaucoup plus tard, un peu comme un titre ou une couverture.
Mon second conseil, c’est de faire attention pendant un moment aux chapitres des livres que vous lisez. Sur des points précis de ce type, c’est très instructif de voir comment font les « pros ».
Et le dernier, dans le doute, vous pouvez simplement regrouper vos scènes par sous-arc narratif ou péripétie, pour avoir une subdivision logique de votre roman.
Voilà, j’espère que cet article vous aura été utile. Dites-nous dans les commentaires quelle technique vous utilisez pour délimiter vos chapitres, et si ça vous est venu facilement ou pas !
J’aime énormément ton usage du mot « fractal », c’est exactement ça.
La question du découpage en chapitres tarabuste visiblement les auteurs, dans des proportions que je trouve étonnantes. Mon billet sur la question est de loin le plus populaire de mon blog, avec plus de 9’000 vues à ce jour (alors qu’il ne dit rien de révolutionnaire, à mon avis).
Qui a dit que maths et littérature devaient être contradictoires ?^^
Sur internet, on voit beaucoup d’auteur/trices avec des formules super précises pour leur roman : x mots par chapitres, y chapitres, etc. Du coup quand on débute, on peut avoir l’impression qu’il y a une recette obligatoire à suivre, et fatalement on finit par la chercher… Mais effectivement, je suis arrivée à la conclusion très rapidement que ça ne serait pas ma priorité.
C’est peut-être aussi parce que le chapitre est une unité plus parlante pour quantifier ses progrès.