Cette semaine, je vous propose un nouvel article pour ma catégorie Utile ou pas ? dédiée à la critique de livres parlant d’écriture. Et le livre dont nous allons parler aujourd’hui, c’est ma Jumelle Karmique qui me l’a proposé au moment où je souffrais d’une petite baisse de moral…
Il s’agit de Comme par magie, un livre consacré à la créativité, par l’autrice du bestseller Mange, Prie, Aime.
Alors, ce livre permet-il d’apprendre à « vivre avec sa créativité » comme il le clame ? C’est ce que nous allons voir…

Résumé
Comme par magie est entièrement dédié à la relation de chaque personne avec sa propre créativité. Elizabeth Gilbert s’adresse aussi bien à l’autrice en herbe qu’au danseur ou à la future chef étoilée. Comme par magie est divisé en six parties :
Courage
Il en faut pour se lancer dans une activité créative, et Elizabeth Gilbert décrit très bien toutes les peurs qui peuvent arrêter le.la créateur.trice avant même qu’il.elle ne se lance…
Enchantement
Elizabeth Gilbert développe sa vision de « la Grande Magie » et son idée très particulière de ce qu’est l’inspiration (idée que je détaille dans la section suivante).
Permission
Un.e créateur.trice ne doit chercher la permission de personne, ni celle de ses pairs, de ses parents, ni celle d’un quelconque diplôme.
Persistance
Selon Elizabeth Gilbert, le secret d’une vie créative, c’est de continuer à travailler à son art sans relâche, même si on arrive à rien, jusqu’à devenir moins mauvais.
Confiance
Elizabeth Gilbert professe d’aimer son art, et de se persuader que l’art vous aime en retour. Pour elle, la création ne doit pas être une souffrance, au contraire, il faut apprendre à aimer le processus plus que le résultat.
Divinité
Divinité est la conclusion de Comme par magie qui insiste sur l’aspect paradoxal de la création, entre importance et insignifiance (promis, j’explique plus loin).
Comme par magie en trois idées
L’inspiration en tant qu’entité extérieure
C’est l’idée la plus originale et aussi la plus surprenante d’Elizabeth Gilbert. Pour elle, les idées sont des entités à part entière, qui cherchent un être humain pour les réaliser. Ce n’est pas le.a créateur.trice qui a une idée, c’est l’idée qui trouve un.e dépositaire. L’humain en question doit être disponible pour se rendre compte que l’idée essaie d’attirer son attention et il.elle peut choisir d’accepter l’idée ou non. D’ailleurs, l’idée peut même partir à la recherche de quelqu’un d’autre si on ne la traite pas bien ! Donc, il faut tout faire pour se rendre disponible, pour être prêt.e à accueillir les idées qui cherchent preneur, et ensuite, traiter convenablement l’idée qui a bien voulu nous choisir, pour ne pas qu’elle s’envole…
Aimer le processus, pas le résultat
Pour Elizabeth Gilbert, se rendre disponible pour une idée, ce n’est pas attendre bêtement que l’inspiration arrive. Au contraire, il s’agit de travailler sans relâche en l’attendant. A aucun moment, Gilbert ne promet la réussite. Elle dit simplement que l’important c’est de créer, et de persévérer dans la création malgré le manque de technique au départ, malgré les échecs, les refus des maisons d’édition, ou même le désaveu du public. Et pour être capable de ce niveau de persévérance, pour endurer les échecs et mettre la quantité de travail nécessaire à son art, il faut aimer le processus plus que le résultat. Il faut aimer écrire bien plus que l’idée de devenir le prochain bestseller. Si vous aimez écrire, ce n’est pas grave si vous n’êtes jamais publié, puisque vous faites quelque chose que vous aimez. Vous serez aussi capable de développer des trésors d’ingénuité et d’énergie pour écrire, si vous arrivez à traiter votre manuscrit comme un amant (quitte à le retrouver pour quinze minutes dans un escalier…).
Apprendre à gérer les paradoxes
Elizabeth Gilbert considère que pour réussir à créer, il faut être capable de gérer mentalement l’aspect paradoxal de la créativité. Le processus créatif est à la fois une corvée épuisante et un miraculeux privilège. Le.a créateur.trice est à la fois terrifié.e et courageux.se. Et surtout il faut être capable de considérer son œuvre comme la chose la plus importante au monde ET comme quelque chose d’insignifiant. Si votre œuvre est réellement insignifiante pour vous, vous n’arriverez pas à mettre la quantité d’effort et de travail nécessaire pour la réaliser. Mais si au contraire elle prend trop d’importance, vous n’arriverez pas à la modifier, vous n’arriverez pas à l’abandonner si elle s’avère être une mauvaise idée, et surtout vous n’arriverez pas à surmonter l’échec si elle n’obtient l’accueil que vous espériez. Comme dit Gilbert, « ce n’est pas votre enfant ! ».
Les Moins
- Presque mystique
Ce qui m’a surpris en lisant ce livre, c’est la tendance assez extrême d’Elizabeth Gilbert à personnifier des concepts. Elle s’adresse à sa peur comme à une personne. Selon elle « Les idées sont une forme de vie désincarnée, composée d’énergie » qui essaient d’attirer votre attention. Qui peuvent se transmettre par un baiser ! Si je me rappelle mes cours de philo, le fait que les idées puissent avoir une existence propre n’est pas une nouveauté, ça daterait même au moins de Platon d’après mon ami Wikipedia. Il n’en reste pas moins que mon esprit scientifique grince un peu des dents (moi aussi je peux faire des personnifications !). Il est parfois difficile d’adhérer complétement à ses conseils pour cette raison : par exemple, je n’ai pas spécialement l’intention d’allumer des cierges et de prononcer mes vœux à l’écriture, merci…
- Limité à la créativité
C’est un peu déloyal de ma part de mettre ça dans les moins de son livre puisque Elizabeth Gilbert ne prétend pas écrire un livre de conseil d’écriture mais un livre sur la créativité. Et elle tient sa promesse ! Mais si vous cherchez un livre vous expliquant comment faire le plan de votre roman ou comment rendre vos personnages sympathiques, Comme par magie n’est pas pour vous. Même si Gilbert est elle-même autrice, elle ne parle pas du tout de technique.
Les Plus
- Très divertissant
J’ai beaucoup apprécié la lecture de ce livre. Il est absolument rempli de personnages hauts en couleur et d’anecdotes amusantes. Elizabeth Gilbert en elle-même est un personnage : à 8 ans, elle a essayé de persuader son père d’empêcher une plage complète d’aller se baigner parce qu’elle trouvait ça trop dangereux, à 16 ans elle a réellement prononcé ses vœux d’écrivain, comme on rentre dans les ordres. Dans Comme par magie, on croise aussi une spécialiste nonagénaire de la Mésopotamie, un gars qui vend des cassettes où il apprend à imiter le brame du cerf et un bœuf indien aux cornes décorées…
- Réellement motivant
J’ai trouvé ce livre vraiment motivant. En partie parce qu’il est extrêmement décomplexant. Elizabeth Gilbert n’écrit pas un livre sur « comment devenir le prochain bestseller », en fait elle ne promet même pas que vous arriviez à publier le moindre livre un jour. Par contre, elle vous explique comment être heureux en écrivant. Comment utiliser votre créativité pour vous-même, sans obligation de réussite. Comment s’amuser, même si c’est « juste » en peignant des étoiles sur les vélos des enfants du quartier…
- Conseils « sérieux » et réalistes sous leur vernis un peu excentrique
Même si certains conseils de d’Elizabeth Gilbert peuvent paraitre excentriques, voir même un peu fous, j’ai trouvé qu’ils avaient tous une fondation solide, et étaient souvent très pragmatiques dans leur application. Par exemple, même si elle dit que l’inspiration est une entité à part entière, elle ne professe jamais de l’attendre. Elle conseille de travailler sans relâche pour être « prêt.e » à l’accueillir. Elle ne recommande pas non plus d’abandonner son travail pour se lancer dans une entreprise douteuse. Tous ses conseils m’ont paru intéressants et logiques, au moins sur le fond.
Ce que j’en retiens
Des problématiques qui me parlent
Même si je suis un peu critique du côté « mystique » de ce livre, certains passages ont vraiment résonné pour moi. En particulier, elle parle d’une de ses amies, passionnée de patinage, qui avait abandonné à l’adolescence parce qu’elle ne pouvait pas devenir pro, et n’en avait jamais refait jusqu’à la quarantaine, avant de se rendre compte que ça lui manquait. Dans cette histoire, son amie ne devient pas miraculeusement championne mondiale de patinage à 40 ans. Elle pratique simplement une activité qui est nécessaire à son bonheur. Elle dit d’ailleurs ceci de son amie :
Elle cessa d’avoir l’impression de n’être rien de plus qu’une consommatrice, rien de plus que la somme de ses obligations et devoirs quotidiens. Elle faisait quelque chose d’elle même et elle le faisait toute seule.
Celles et ceux qui ont lu mon article de la semaine dernière sur mes motivations y verront peut-être un écho, en tout cas j’y ai reconnu quelque chose que je ressentais.
Une question d’état d’esprit
J’ai aussi retenu autre chose de ce livre, quelque chose qu’Elizabeth Gilbert mentionne rapidement mais qui est selon moi peut-être le point majeur. Elizabeth Gilbert a « choisi son illusion » . Elle a choisi de croire que « l’Écriture l’aime », que les idées existent et se baladent dans la nature et viennent la visiter. Elle le dit elle-même. Et elle choisit d’y croire, parce que cela fonctionne pour elle. Par exemple, l’idée que l’inspiration puisse être une entité extérieure à elle lui permet de gérer son ego, autant dans le cas où elle échoue que dans celui où elle réussit. Elle ne prend pas la grosse tête ni ne se déteste d’avoir raté, puisque ça ne vient pas d’elle.
J’ai aussi été frappée par le passage où elle décrit comment elle s’est rendu compte qu’une de ses amies autrices avait écrit un livre sur une idée qu’elle-même n’avait pas menée jusqu’au bout. Elle décrit les réactions qu’elle aurait pu avoir : accuser son amie de plagiat, culpabiliser de ne pas avoir été capable de mener elle-même le projet, penser que son amie est plus douée, etc. Elle choisit de croire qu’elle a transmis son idée à son amie en l’embrassant lorsqu’elle l’a rencontrée. C’est une idée farfelue, mais c’est une idée poétique. Et surtout c’est une idée constructive. Une idée qui l’aide à avancer.
En fait tout son livre tourne autour de cela, comment se mettre dans le bon état d’esprit pour créer : en y prenant du plaisir, en travaillant, en ne se fixant pas des objectifs inatteignables, en persévérant. Elle a réussi en partie parce qu’à 20 ans, quand elle ne recevait que des lettres de refus des éditeurs, elle pensait qu’il lui restait encore 80 ans pour y arriver…
Et elle le fait en décidant de croire ce qui lui donne le résultat voulu. En soi, c’est similaire à une démarche scientifique : les scientifiques adoptent le modèle qui colle aux résultats qu’ils obtiennent. Elle choisit la théorie qui colle aux résultats qu’elle veut.
Conclusion : utile ou pas ?
Comme par magie n’est pas un livre qui va vous apprendre à écrire un bon roman, ce n’est pas son but. Il ne faut clairement pas y chercher des conseils techniques. Par contre, si vous envisagez de commencer une activité créative quelle qu’elle soit et que vous n’osez pas, que vous avez l’impression de n’être pas assez qualifié.e, pas assez talentueux.se, pas assez torturé.e ou je ne sais quoi d’autre, ce livre est pour vous.
Comme par magie explique comment atteindre le bon état d’esprit pour créer, et le faire avec plaisir. Vous n’êtes pas obligé.e de suivre ses conseils à la lettre sur la façon d’atteindre cet état d’esprit, mais au moins vous aurez une base pour échapper à toutes ces idées nuisibles qui peuvent vous empêcher d’écrire…
Et vous, avez-vous lu Comme par magie ? Qu’en avez-vous pensé ?
Si cet article vous a plu, vous pouvez retrouver mes critiques précédentes ici :
- Écriture : Mémoires d’un métier de Stephen King
- Save the cat ! de Blake Snyder
- Le Guide du Scénariste de Christopher Vogler
- L’Anatomie du scénario de John Truby
J’ai beaucoup aimé ce livre, pour les mêmes raisons que vous. L’écriture peut vite devenir source de beaucoup de discours culpabilisants vis-à-vis de soi-même et Elizabeth Gilbert nous rappelle combien ce n’est tout simplement pas nécessaire. Elle tue le mythe du rapport torturé à la création, mais aussi le culte de la performance et du succès, et en cela, fait un livre assez politique et très humble derrière ses fausses allures de bible commerciale. Je relis ce livre très régulièrement pour développer une approche plus saine à la création 🙂 Merci pour votre blog ! je viens de tomber dessus et il est super. J’écris des chansons et j’adore les livres sur l’écriture, ça fait plaisir de voir que d’autres personnes francophones partagent cette passion.