Utile ou pas ?

Faut-il lire Bird by Bird de Anne Lamott ?

Cela fait un petit moment que je n’avais pas fait de critique de livre sur l’écriture. Cette fois, j’ai eu envie de lire Bird by Bird, un livre dont j’ai pas mal entendu parler sur les forums de NaNoWriMo (il semble d’ailleurs qu’il n’ait pas été traduit en français). Voilà donc ma critique !

Titre complet : Bird by Bird : Some Instructions on Writing and Life

Auteur : Anne Lamott

Parution : 1994

Sujet/objectifs : Méthodologie et état d’esprit de l’auteurice, comment survivre en écrivant

Bird by bird, de Anne Lamott

L’autrice

Anne Lamott, née en 1954, elle-même fille d’écrivain, est une romancière américaine. Elle a publié 7 romans et une dizaine d’autres ouvrages.

Résumé et concept

Anne Lamott donne des cours d’écriture, et ce livre se veut un condensé des informations et conseils qu’elle donne à ses élèves. Comme elle l’explique elle-même, ces conseils sont très fortement ancrés sur sa propre pratique de l’écriture. Il s’agit plutôt d’un ensemble de leçons qu’elle tire de sa propre expérience et de sa propre vie que de leçons générales et magistrales.

Le livre est divisé en 5 parties.

  • La première, de loin la plus longue, explique comment écrire : comment démarrer, pourquoi écrire des « premiers jets merdiques », comment tirer des personnages de la vraie vie, et tirer une intrigue de ses personnages, comment savoir comment s’arrêter, etc
  • La seconde partie se concentre sur l’état d’esprit nécessaire pour écrire, en particulier la capacité d’observation qu’on doit développer, et l’envie d’écrire ses propres « vérités »
  • La troisième concerne l’aide qu’on peut chercher et recevoir auprès de spécialistes pour les recherches, auprès de groupes d’écriture, auprès de bêta-lecteurices
  • Dans la quatrième partie, Anne Lamott évoque les raisons d’écrire : la publication qui ne devrait pas selon elle être la première raison d’écrire, et les autres (écriture en tant que cadeau, raconter la réalité de sa propre existence)
  • Et enfin Anne Lamott a écrit sa dernière partie comme une dernière leçon, une conclusion de son ouvrage.

Bird by Bird en trois idées

Écrire jusqu’à ce que l’histoire émerge

C’est une idée qui revient sous différentes formes tout au long de ce livre. Anne Lamott est clairement pantser/Jardinier (c’est-à-dire une personne qui ne planifie pas ses romans à l’avance). Elle conseille de commencer à écrire, de préférence sur sa propre enfance, et d’écrire jusqu’à savoir ce et pourquoi on écrit. Selon elle, les personnages et l’histoire finissent par émerger et se préciser au fur et à mesure de l’écriture.

Cela implique bien sûr d’être prêt.e à écrire des « premiers jets merdiques » (shitty first drafts), puisque selon elle, il faut écrire un moment avant de trouver dans son texte le vrai sujet de son roman. Il y a donc forcément du déchet….

Écrire sa « vérité »

Anne Lamott encourage les lecteurices à se baser sur leur propre vie, leur propre expérience pour écrire. Ce conseil joue à plusieurs niveaux : d’abord, elle conseille fortement d’écrire sur son enfance pour chercher des sujets d’inspiration. Mais pour elle, un roman doit aussi contenir un noyau de choses qui tiennent à coeur à l’auteurice : « sa vérité », sa vision du monde, pas résumée comme une morale en une seule phrase mais sous la forme d’un roman entier. Anne Lamott insiste sur la capacité d’observation à développer pour être auteurice, autant en matière de personnages que de dialogues. Pour elle, un roman est fabriqué d’éléments tirés de la vie réelle, modifiés et adaptés pour le roman, et teinté du point de vue unique de l’auteurice.

Bird by bird

Bird by bird (littéralement : « oiseau par oiseau ») est le titre de l’ouvrage, tiré d’une anecdote de la vie de Anne Lamott que j’ai… hum… oubliée^^. On va dire que l’anecdote en elle-même n’était pas très importante^^. L’idée, c’est que l’écriture est une activité difficile psychologiquement, l’écriture d’un roman en particulier peut paraitre une tâche insurmontable quand on l’examine en son ensemble.

Alors pour ne pas abandonner, pour ne pas se laisser aller au désespoir, Anne Lamott conseille d’y aller « un oiseau à la fois » : se fixer comme objectif d’écrire la prochaine description, le prochain paragraphe, la prochaine scène et que de cet manière, petit à petit émerge un roman. Un mot à la fois (« un mot à la fois » devrait être le titre de la traduction française, si une maison d’édition a besoin d’une traductrice, qu’elle m’appelle^^).

Et maintenant passons à la critique…

Les Moins

  • Très personnel, et donc très spécifique

Anne Lamott ne s’en cache pas, tous ses conseils sont tirés de sa propre expérience. Il s’agit plus de leçons qu’elle-même tire de sa propre pratique que de conseils généraux. En particulier, Anne Lamott est clairement du côté des Jardiniers, qui ne planifient pas leur roman, et tout ses conseils sont écrits sous ce prisme. Ce qui rend le livre quasiment inutile pour un.e Architecte… (en tout cas un.e Architecte qui cherche des conseils techniques).

  • Pas très actuel

Bird by bird a été publié en 94, et comme tous les livres sortis avant l’explosion d’Internet, cela se sent par moments… En particulier dans le passage sur les recherches où – oh mon dieu ! – elle appelle des gens par téléphone pour avoir des informations^^. En soi, ce n’est pas un énorme problème dans le bouquin, mais comme pour Stephen King dans Mémoires d’un Métier, la description de sa carrière n’aura plus grand chose à voir avec celle d’un.e auteurice débutant aujourd’hui (en particulier en terme de nombre de livres publiés).

  • Quelques conseils et remarques étranges…

Même pour un.e Jardinier, certains conseils et remarques sont éloignés de notre expérience, voir carrément bizarres. Par exemple, Anne Lamott conseille de ne jamais commencer un projet un lundi de décembre… Tout un chapitre parle de l’heure du déjeuner à l’école et du choix crucial du contenu du sandwich qui en dit beaucoup sur la famille de l’élève, et c’est peut-être très parlant pour un.e américain.e né.e dans les années 50, mais pas du tout pour une trentenaire française… Sans compter quelques formulations un peu malheureuses dans un passage sur le handisport (sûrement à mettre sur le compte de l’année de publication) et un passage bizarrement anti-français (mais censé être comique je pense, en tout cas ça m’a amusée^^).

  • Un poil déprimant

Si vous avez envie de commencer l’écriture d’un roman, je ne suis pas sûre que je vous conseillerai ce livre. Pour un.e débutant.e, il pourrait être assez décourageant (tout en étant franc et réaliste, j’en reparlerai dans les points positifs). Anne Lamott peint un tableau assez sombre de sa réalité d’autrice : la difficulté permanente à aligner les mots les uns après les autres, la peur de laisser lire à autrui, la jalousie, la sensation d’indifférence qu’une auteurice peut ressentir même après la publication tant attendue, etc… Son livre est également rempli d’auteurs alcooliques (ce que j’ai envie de mettre sur l’âge du livre, soyons optimistes^^) et du spectre constant de différentes maladies mentales… La grosse fiesta, quoi…

Les Plus

  • Amusant

Alors oui, je viens de dire juste au-dessus que Bird by Bird pouvait être déprimant en terme de contenu. Mais Anne Lamott parle, sous couvert de donner des conseils, de sa propre expérience et elle le fait de manière assez drôle, avec une voix plutôt sarcastique. Par exemple, le passage sur le choix de la confiture quand c’est le père qui prépare les sandwichs pour l’école, même si ça ne correspond pas à ma propre expérience, était très amusant. J’ai trouvé le livre très agréable à lire au niveau du style, de manière générale. J’ai aimé la façon dont elle parle de sa propre expérience en ayant l’air de donner des exemples au hasard…

  • Franc sur la réalité de l’écriture (au moins sa réalité à elle)

Anne Lamott n’essaie pas de vendre une méthode miracle pleine d’arc-en-ciel et de papillons sur comment devenir instantanément un best-seller… Au contraire, elle est très franche sur la dure réalité de la vie d’auteurice (réalité qui dans son cas a l’air de contenir son lot d’insomnie, de dépressions nerveuses, de jalousie, de déception et d’alcool…). Bird by Bird pourrait être sous-titré « comment survivre en tant qu’auteurice »… Et même s’il s’agit surtout de sa propre expérience de l’écriture, je pense que beaucoup de personnes se reconnaitront dans les difficultés qu’elle rencontre (même si, j’espère, un peu moins dans l’intensité des symptômes).

  • Intéressant en tant que journal/mémoires

Ce point rejoint le précédent. Bird by bird est un livre de conseils, mais c’est aussi et surtout une fenêtre dans la pratique d’écriture d’une autrice, comme ont pu l’être les Mémoires de Stephen King par exemple. Si vous aimez ce genre de textes, vous aimerez ce livre.

  • Utile pour les pantsers

Pour ce qui est du côté « conseil d’écriture » pur, Bird by Bird sera surtout utile pour les Jardiniers, en particulier pour tout ce qui est état d’esprit. Une bonne partie du livre parle de la nécessité de voir émerger le sujet et les personnages, de faire croitre organiquement l’intrigue à partir de ces personnages, et d’accepter d’avoir des premiers jets pourris. Si vous êtes un ou une pantser qui ne s’accepte pas, ce livre sera définitivement pour vous^^.

Ce que j’en retiens

Il y a pire que moi^^. Bird by bird a eu un côté décomplexant pour moi. Je me considère comme une personne rationnelle, mais malheureusement, même si mon cerveau est conscient que recevoir des critiques négatives ne remet pas en cause ma qualité en temps qu’être humain, ce n’est pas forcément comme ça que je le ressent… Et c’est toujours un soulagement de se rendre compte qu’on n’est pas seul.e (et qu’il y a des gens bien pires que soi^^). On parle souvent de l’hypersensibilité et de la prévalence des maladies mentales chez les auteurices, et je me demande s’il s’agit d’un mythe, d’une réalité (dûe aux qualités d’empathie et d’observation) ou si simplement en tant qu’auteur/trice on s’autorise plus à parler de problèmes qui touchent toute la population. En tout cas, c’est toujours rassurant de ce dire que oui, on n’est pas seul.e à lutter contre son propre cerveau et qu’il y a même tout un tas d’auteurices publié.e.s dans ce cas…

Conclusion

J’ai apprécié Bird by bird, mais plus en tant que mémoires d’une autrice qu’en tant que livres de conseils. Je vous le recommande si :

  • vous aimez les mémoires/autobiographies,
  • vous êtes curieux/se de ce à quoi peut ressembler la vie d’une autrice et les difficultés qu’elle rencontre,
  • vous êtes un.e pantser qui ne s’assume pas et vous avez besoin qu’on vous guide sur la voie du Jardinier^^
  • vous culpabilisez de trouver l’écriture difficile psychologiquement

Par contre, si vous cherchez des conseils plus généraux et plus pratiques sur comment écrire un roman, en particulier si vous êtes attirés par la planification rigoureuse, ce ne sera clairement pas le livre à lire en premier…

Et vous, est-ce que vous avez-lu Bird by bird ? Qu’est-ce que vous en avez pensé ? Et n’hésitez pas à me conseiller des livres, que vous les ayez aimé ou non…

Et si comme moi vous adorez les livres sur l’écriture (que vous lisez au lieu d’écrire, oui, je sais ce que vous faites^^), vous pouvez retrouver mes autres articles dans la catégorie Utile ou pas ? ou juste en dessous :

5 réflexions au sujet de “Faut-il lire Bird by Bird de Anne Lamott ?”

  1. Tiens, je ne crois pas avoir déjà entendu parler de ce livre.
    J’aime beaucoup la façon dont tu construis ces articles, c’est très utile d’expliciter à qui chaque livre s’adresse 🙂 En l’occurrence, sans doute pas à moi ^^ Je ne suis pas (en tout cas plus) Jardinière et je ne vis pas l’écriture comme un douloureux calvaire, loin de là.
    Je trouve un peu curieux qu’elle ait choisi « Instructions » dans le sous-titre alors que ce sont manifestement des ressentis personnels. Mais bon.

    Et je suis très étonnée aussi par son conseil de démarrer l’écriture en parlant de sa propre enfance… La mienne n’aurait absolument rien d’intéressant ! Globalement, je suis toujours assez surprise par les livres sur l’écriture qui expliquent, en gros, de quoi on devrait parler dans ses écrits. Pour moi l’écriture vient à la base d’une histoire qui a besoin d’être racontée, donc si je suis travaillée par cette saga de fantasy ou par ce roman historique, je ne vais pas changer de plans parce que quelqu’un m’a conseillé de parler plutôt de mon enfance…

    Bon courage avec ton déménagement !!

    1. Je pense que son conseil d’écrire sur son enfance, c’est surtout pour trouver une source d’inspiration, plutôt que d’écrire réellement un roman sur son enfance. Elle explique à un moment que l’enfance est le moment où on est le plus observateur, le plus ouvert au monde extérieur. Je ne suis pas vraiment d’accord avec ça, mais je comprends son raisonnement. Je pense qu’elle considère plutôt le fait d’écrire sur son enfance comme un exercice d’écriture, un moyen facile de se lancer, de se décoincer, avant de décider vraiment de quoi va parler son roman : elle trouve des thèmes ou des idées à partir de détails dont elle se souvient.
      Mais effectivement, c’est sûrement un conseil plus adapté pour la littérature générale que pour la fantasy^^.
      En tout cas, je suis contente que mon format d’article te plaise^^. J’avais choisi une orientation plus « critique » pour les premiers, et je me suis rendue compte au fur et à mesure que beaucoup de ces livres d’écriture avaient des objectifs et des formats très différents et que ça pouvait être utile de souligner cet aspect-là^^. Tu me conforte dans ma décision…

  2. Merci pour cet article, il est dense et très utile. Je suis moi-même un pantser donc ce livre est susceptible de m’intéresser!
    Mais j’avoue que j’ai parfois un peu de mal avec les livres sur l’écriture qui hésitent entre l’autobiographie et le guide pratique. Dans Écriture : Mémoires d’un métier, King alterne des passages très utiles avec de longues tranches de vie, et on ne sait pas toujours où il veut en venir…
    Lamott conseille de se baser sur sa propre enfance pour commencer? J’avoue que je n’y avais jamais pensé. Je m’inspire parfois des personnes qui m’entourent, mais je n’oserais pas bâtir une histoire entière sur mes jeunes années, qui sont plutôt banales.
    Je vais sans doute lire le livre, et on verra bien 🙂

    1. Merci pour ton commentaire ! Celui de King est beaucoup plus ouvertement autobiographique. Ici Lamott a plutôt tendance à illustrer son propos avec des exemples basés de sa propre vie, donc le côté autobiographique sert beaucoup plus le côté « conseil » que dans Écriture : Mémoires d’un métier. Pour son point de vue sur l’enfance, elle conseille plutôt de s’inspirer d’anecdotes ou de personnages plutôt que de réellement raconter sa propre enfance. Écrire sur son enfance est plutôt un moyen de stimuler sa créativité pour elle, en tout cas c’est ce que j’en ai compris^^

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